XVe législature
Session ordinaire de 2021-2022

Première séance du vendredi 04 février 2022

Sommaire détaillé
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Première séance du vendredi 04 février 2022

Présidence de M. Hugues Renson
vice-président

M. le président

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à neuf heures.)

    1. Évolution statutaire de la collectivité de Corse

    Discussion d’une proposition de loi

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Jean-Félix Acquaviva et plusieurs de ses collègues relative à l’évolution statutaire de la collectivité de Corse afin de lutter contre le phénomène de spéculations foncière et immobilière dans l’île (nos 3928, 4034).

    Présentation

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

    M. Jean-Félix Acquaviva, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Je me réjouis que le débat puisse avoir lieu sur la question très sensible du foncier en Corse et me félicite que la proposition de loi dont nous entamons la discussion ait rencontré auprès de la quasi-totalité des groupes politiques un accueil très favorable. Je salue aussi l’important travail collectif de fond déjà engagé.
    Ce texte est particulièrement attendu et espéré car la Corse est en proie à un phénomène de spéculations immobilière et foncière qui met en péril la possibilité pour ses habitants, notamment les plus jeunes et les familles aux revenus médians, de s’y loger décemment, d’y vivre paisiblement et de s’y projeter durablement.
    Je ne citerai que quelques chiffres : le taux de résidences secondaires en Corse, de près de 30 %, est trois fois supérieur à la moyenne française ; certaines villas, proches du littoral, peuvent se vendre jusqu’à 30 000 euros le mètre carré et se louent facilement 10 000 ou 20 000 euros la semaine, parfois bien plus, en haute saison. Quand on sait que le revenu médian annuel en Corse, inférieur de 18 % à la moyenne nationale, avoisine les 20 000 euros, on mesure l’indécence de ces transactions qui aggravent les inégalités au sein de la société insulaire.
    En raison du déséquilibre entre l’offre et la demande de logements induit par cette situation et de la dynamique des prix à la hausse qu’elle entretient, le coût des terrains à bâtir, qui a un impact sur le coût des résidences principales, a connu une inflation trois fois supérieure à la moyenne française. Ainsi, le droit au logement est, dans les faits, largement remis en cause. Le prix des terrains n’est pas de nature à encourager la construction de logements sociaux et dans plusieurs zones, en particulier près du littoral, là où se trouvent les emplois, une grande partie des ménages ne peut accéder à la propriété pour des raisons financières. La dynamique exponentielle à l’œuvre est mortifère et pousse dos au mur la majorité des habitants qui ont choisi d’avoir un projet de vie toute l’année en Corse.
    Enfin, la hausse des impôts de succession, entretenue par la valeur spéculative des transactions, entraînera une dépossession massive des insulaires, surtout dans le contexte de désordre foncier non encore résolu que connaît la Corse. Des milliers de familles modestes, qui régularisent leurs successions afin de reconstituer les titres de propriété sur des biens dont le dernier propriétaire connu est très souvent décédé avant 1900,…

    M. Bertrand Pancher

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    C’est vrai !

    M. Jean-Félix Acquaviva, rapporteur

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    …devront vendre leur patrimoine hérité, faute de disposer des liquidités suffisantes pour payer leurs impôts, dont le montant dépendra d’une valeur moyenne de transaction très nettement sublimée. Ce faisant, elles contribueront malgré elles à alimenter la bulle spéculative.

    M. Bertrand Pancher

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    Eh oui, il a raison !

    M. Jean-Félix Acquaviva, rapporteur

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    Cette situation commande d’adopter rapidement les mesures prévues par cette proposition de loi mais aussi d’adapter la fiscalité sur les successions afin qu’elle ne soit pas confiscatoire et permette d’éviter la dépossession annoncée.
    Le problème aigu de la rareté du foncier, né des caractéristiques topographiques et géographiques de l’île-montagne qu’est la Corse et du phénomène que je viens de décrire, accentue la rupture d’égalité. Ce constat est largement partagé. Il n’est l’apanage d’aucun clan ni d’aucune majorité politique. Le Président de la République lui-même a reconnu, lors du discours qu’il a prononcé à Bastia le 7 février 2018, que le logement était « devenu un problème endémique sur l’île ».
    Le chemin juridique dans lequel s’engage cette proposition de loi est un chemin de crête. Dans la Constitution, la Corse est encore considérée comme une simple collectivité à statut particulier au sens de l’article 72. C’est une situation peu cohérente, eu égard à la spécificité géographique, historique, linguistique et culturelle de ce territoire mais aussi à l’organisation institutionnelle singulière dont il bénéficie depuis 1982. Le projet de loi constitutionnelle qui devait être discuté en 2018 faisait entrer la Corse dans la Constitution. Son abandon, dans les circonstances que l’on connaît, ne facilite pas le développement de solutions appropriées et spécifiques aux problématiques de l’île, en particulier en matière foncière.
    Cependant, nous ne pouvons pas nous contenter des outils de droit commun invoqués par le Président de la République, comme les documents d’urbanisme ou la simplification des procédures. Ils ne suffisent pas à combattre les mécanismes à l’œuvre et les forces occultes qui ont intérêt à spéculer sur le terreau de cette île de beauté encore préservée en Méditerranée – mais pour combien de temps si nous n’agissons pas vite ?
    La situation est beaucoup trop grave pour que nous puissions attendre une hypothétique prochaine révision constitutionnelle. Il y a urgence.

    M. Bertrand Pancher

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    Évidemment !

    M. Jean-Félix Acquaviva, rapporteur

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    Nous devons agir ici et maintenant. La rupture d’égalité est manifeste.
    Par le présent texte, je vous propose de répondre, à droit constitutionnel constant, au problème du foncier, aux articles 1er à 3, et à celui des compétences normatives de la collectivité de Corse, à l’article 4.
    L’article 1er, qui a été réécrit en commission afin de renforcer sa constitutionnalité et son opérationnalité, prévoit d’instaurer à titre expérimental, pour cinq ans, un droit de préemption spécifique au profit de la collectivité de Corse. Ce droit ne concernerait que les aliénations à titre onéreux supérieures à un certain montant : un décret en Conseil d’État, pris après avis de l’Assemblée de Corse, déterminerait le seuil, exprimé en prix au mètre carré, à partir duquel le droit de préemption pourrait s’appliquer dans les zones concernées, elles-mêmes choisies par délibération de la même Assemblée.
    Cet article se justifie tout d’abord par le fait que la collectivité élabore le plan d’aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC). Par ailleurs, sur l’île, du fait de leur petite taille, les communes et les intercommunalités n’ont pas du tout les moyens financiers de rendre efficace un droit de préemption urbain si tant est qu’elles le détiennent car 80 % d’entre elles ne peuvent l’exercer en l’absence de plan local d’urbanisme (PLU) approuvé. Les valeurs immobilières sont exponentielles tandis que les budgets restent très étriqués. Par ailleurs, la collectivité de Corse est la seule collectivité de dimension régionale à être dotée de la clause de compétence générale. Elle est, à ce titre, un acteur institutionnel incontournable, partenaire dans de nombreux domaines des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dont les représentants ont d’ailleurs approuvé sans réserve cette proposition de loi.
    Il ne sert à rien de créer un droit de préemption si son titulaire n’a pas les moyens d’en user. Aussi l’article 2, également réécrit en commission, permet-il à l’Assemblée de Corse de créer une taxe sur les résidences secondaires assise sur la valeur vénale réelle du bien considéré. Le produit de cette taxe lui reviendrait et plusieurs garde-fous sont prévus pour éviter qu’elle ne vienne frapper aveuglément les patrimoines familiaux ou les propriétaires modestes, comme certains le craignent. Les résidences dont la valeur vénale est inférieure à un certain seuil ne seraient pas non plus concernées. Par ailleurs, l’Assemblée de Corse pourra prévoir des exonérations sur critères sociaux ou des modulations au niveau communal à partir d’autres critères, notamment les taux communaux de résidences secondaires.
    Sur cette proposition de taxe, le débat a progressé et il est en passe d’aboutir à un compromis satisfaisant. C’est la raison pour laquelle, d’une part, je soutiendrai l’amendement de mes collègues Jean-Paul Mattéi et Bruno Millienne portant sur une taxation territoriale sur les transactions, donc sur les flux et non sur les stocks, et, d’autre part, je proposerai d’élargir la surtaxe sur la taxe d’habitation appliquée aux résidences secondaires, en l’adaptant à toutes les communes de Corse, et de créer une part territoriale de la taxe d’aménagement en Corse sur le modèle de ce qu’a instauré la région Île-de-France. Il est important de conforter ces nouveaux outils dans la convergence et le compromis, car rien ne serait pire que d’introduire un droit de préemption qui s’apparenterait, en l’absence de financement spécifique, à une coquille vide.
    L’article 3 prévoit quant à lui de créer, par l’intermédiaire du PADDUC, des zones sans activités liées à la grande distribution et à la location de meublés touristiques de type Airbnb. L’aménagement du territoire doit d’abord répondre aux besoins de la population résidente, qu’il s’agisse de logements ou d’activités économiques. Je vous présenterai un amendement central qui permettra d’aller plus loin en étendant aux communes de Corse la procédure d’autorisation de changement d’usage des locaux destinés à l’habitation afin de lutter contre la « airbnbsation » incontrôlée des logements.
    Enfin, l’article 4 traite des compétences normatives de la collectivité de Corse, à laquelle il ouvre, à titre expérimental, une faculté d’adaptation législative, qui fut censurée en 2002. L’article L. 4422-16 du code général des collectivités territoriales (CGCT) confère déjà à la collectivité de Corse la capacité de proposer, de « demander », la modification ou l’adaptation des dispositions réglementaires ou législatives qui la concernent. Toutefois, ces dispositions sont, dans la pratique, restées systématiquement lettre morte. Le constat que je dresse ne donne pas lieu à polémique : il est partagé par de nombreux juristes. Je souhaite que cet article permette de mettre fin à la situation absurde qui veut que, quarante ans après le premier acte de la décentralisation, la Corse soit encore laissée à l’écart de la détermination des règles qui la concernent dans nombre de cas où l’adaptation des lois générales relève du bon sens dès lors que l’on prend véritablement en considération les spécificités de l’île.
    Je déplore que cet article 4, qui avait été adopté par cette assemblée et intégré à l’article 1er bis du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dit 3DS, ait été supprimé par la commission mixte paritaire pour des motifs de frilosité constitutionnelle largement contestables. De manière plus générale, je ne peux que regretter que ce projet ne permette pas, du moins en ce qui concerne la Corse et les problématiques qui lui sont propres, de dépasser l’égalitarisme formel qui est souvent source des plus grandes inégalités réelles concernant l’île.
    Voulons-nous que les insulaires n’aient le choix qu’entre partir, être dépossédés ou devenir des Indiens parqués dans leurs réserves ? Voulons-nous vraiment envoyer le signal que la démocratie et le droit sont impuissants et que l’État reste sourd aux préoccupations légitimes des insulaires quand elles sont démocratiquement exprimées, à une très large majorité et à intervalles réguliers, depuis des années ? Ce ne serait ni juste ni de très bon augure quand on connaît l’histoire de ce pays ainsi que le lien charnel profond que les insulaires ont noué avec leur terre depuis des siècles. Depuis des décennies, toutes les réactions populaires contestataires fortes en Corse, qui se sont manifestées à l’occasion de combats difficiles, avec leur cohorte de drames, ont eu pour point commun la défense de la terre, le refus des agressions environnementales et de la dépossession.
    Aujourd’hui, nous devons faire la démonstration que la convergence démocratique s’opère pour donner des réponses. La loi doit défendre et protéger contre cette spéculation galopante. Elle doit conforter, enraciner la paix dans l’île et donner un horizon de développement durable maîtrisé pour les insulaires qui veulent tout simplement vivre dignement.
    Si les phénomènes de résidentialisation et de spéculation immobilière atteignent un niveau hors normes en Corse, qui justifie cette proposition de loi, les mêmes tendances lourdes existent ailleurs, dans les Alpes, au Pays basque, en Bretagne et dans d’autres territoires. (M. Bernard Pancher applaudit.) Nous sommes solidaires des élus, des populations et des acteurs politiques et économiques qui se dressent partout contre la dépossession, contre les fractures économiques, sociales et sociétales inacceptables qui en découlent. Je tiens à les saluer tout comme les députés, de tous les bancs, qui ont travaillé avec nous depuis des mois sur cette proposition de loi et je forme le vœu qu’elle serve de base à des mesures fortes pour d’autres territoires.
    Hasard du calendrier, demain, 5 février 2022, ce sera le 297e anniversaire de la naissance de Pasquale Paoli, fondateur en 1755 d’une république moderne fondée sur la démocratie et la justice au service du peuple corse « leggitimamente maestru da se stessu », légitimement maître de lui-même. Cette proposition de loi vise à défendre cet héritage face à une menace dont, je l’espère, nous triompherons enfin tous ensemble. (Applaudissements sur les bancs des groupes LT et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

    Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales

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    Avec cette proposition de loi, l’occasion nous est donnée de débattre d’un sujet qui, je le sais, est au cœur des préoccupations des Corses, élus comme habitants, celui du logement. Nous partageons nombre de vos constats, monsieur le rapporteur, à commencer par celui de l’augmentation des risques de fractures sociales et territoriales, conséquences des phénomènes de spéculations foncière et immobilière douloureusement ressentis par les habitants. L’augmentation des prix du foncier rend plus difficile le lancement de nouvelles opérations de logements. Et lorsque ces opérations se font, les prix de vente sont inaccessibles pour de nombreux ménages. Cela les empêche de trouver, à la location ou à l’achat, des logements adaptés à leurs besoins et exclut fortement les plus modestes.
    De telles difficultés se rencontrent dans de nombreuses zones du territoire national, en particulier les zones tendues ou les zones touristiques. Toutefois, en Corse, à hausse du prix du logement équivalente avec la France continentale, le coût du foncier augmente deux fois plus vite. Cela signifie que le foncier a un rôle majeur dans la hausse des prix sur l’île.
    Pour autant, nous devons nuancer le constat : le prix du foncier ne représente encore que 12 % du coût d’une opération en Corse, contre 21 % en moyenne dans notre pays : sa hausse s’explique en partie par un phénomène de rattrapage. En outre, les loyers et les prix du logement se situent dans la moyenne nationale, voire légèrement en dessous. Certes, ce ne sont pas là des raisons de ne pas se préoccuper de ces questions : la dynamique actuelle constitue un véritable frein à l’accession à la propriété des jeunes ménages ou des ménages les plus modestes, en particulier dans les zones littorales, pourvoyeuses d’emploi, d’autant plus que le parc social est peu développé – 10 % de logements sociaux contre 17 % à l’échelle nationale.
    Afin de remédier à la situation, vous proposez de confier à la collectivité de Corse trois nouvelles compétences : un droit de préemption spécifique, une taxe supplémentaire sur les résidences secondaires et l’instauration, au sein du PADDUC, de zones prioritaires où la construction de résidences secondaires ou destinées à la location saisonnière non professionnelle serait interdite. Vous souhaitez également octroyer à la collectivité un droit à l’expérimentation législative. Je dois vous dire, monsieur le rapporteur, que si nous constatons les mêmes problèmes, nous divergeons quant aux solutions à leur apporter. Croyez à ma volonté d’agir, mais l’urgence ne saurait justifier de mettre de côté les principes de rang constitutionnel que sont l’égalité et l’absence de tutelle d’une collectivité sur une autre.
    Tout d’abord, vous n’ignorez pas que nous étions prêts à inscrire dans la Constitution la spécificité du territoire corse, ce qui nous aurait permis d’adapter les lois et les règlements sans avoir à le justifier ; le projet de révision constitutionnelle n’ayant pas abouti, ce que je sais que vous regrettez comme nous, cette adaptation doit être chaque fois motivée. Le taux de résidences secondaires, par exemple, pourrait légitimer des solutions différenciées ; toutefois, il existe des départements où il est similaire voire encore supérieur à celui de la Corse, ce dont le juge constitutionnel ne manquerait pas de conclure que la situation de celle-ci ne justifie pas l’attribution à la collectivité d’un pouvoir fiscal supplémentaire. Votre proposition présente ainsi un risque de rupture d’égalité devant l’impôt : nous y reviendrons lors de l’examen de l’article 2.
    Ensuite, vous connaissez mon attachement à l’interdiction de la tutelle entre collectivités et plus généralement au respect des attributions de chacune. En l’occurrence, je reste persuadée que le partage de compétences entre le bloc local et la collectivité de Corse constitue la meilleure garantie d’un développement équilibré du territoire ; or force est de constater que vous souhaitez attribuer à la seconde des compétences jusqu’ici exercées par le premier. Les modalités de répartition du droit de préemption spécifique que vous prévoyez ne permettent pas l’exercice prioritaire, pourtant prévu par le texte, des droits de préemption du bloc local. En revanche, vous confiez un droit de préemption à la collectivité, qui n’est compétente ni en matière d’aménagement ni en matière d’urbanisme : de quels leviers disposerait-elle donc pour atteindre les objectifs que vous lui fixez ?
    De même, l’effectivité de l’article 3 n’est pas assurée. Il est impossible qu’un document de planification puisse servir à réglementer la location saisonnière alors que l’usage fait d’un logement donné est susceptible de fluctuer au cours de l’année, voire dans un même mois, par exemple dans le cas d’une résidence principale louée à certaines périodes en tant que meublé de tourisme – ce qui n’accroît pas la pression foncière, vous en conviendrez. Le phénomène serait d’ailleurs tout aussi incontrôlable dans le cadre de la police de l’urbanisme.
    Cela dit, encore une fois, je suis d’accord avec vous concernant le fait que la singularité de la Corse doit être reconnue à droit constitutionnel constant et sous une forme appropriée. Plusieurs pistes sérieuses sont étudiées ou pourraient l’être. Ainsi, avant de songer à confier à la collectivité de Corse de nouvelles compétences, il importe d’exploiter tout le potentiel et les ressources du statut qui lui est propre. Nous pouvons y travailler ensemble ; c’est du reste pour cette raison que j’ai accepté de modifier la composition de la chambre des territoires de Corse dans le cadre du projet de loi 3DS.
    Par ailleurs, l’Office foncier de la Corse, établissement public de la collectivité, a précisément été créé en 2014 afin de lutter contre la spéculation immobilière et de construire des logements sociaux. Il peut exercer un droit de préemption par délégation des communes, et des crédits du plan exceptionnel d’investissement pour la Corse étaient prévus pour amorcer ses interventions. Malheureusement, les évaluations récentes, notamment celles de la chambre régionale des comptes, montrent qu’il n’atteint pas pleinement ses objectifs : il nous faudrait donc revoir cet outil utile, qui dispose déjà de moyens financiers et techniques en vue de résoudre le problème dont nous discutons.
    À l’occasion des assises de l’urbanisme organisées en Corse, le Gouvernement s’est engagé à fournir au bloc local l’ingénierie nécessaire pour que celui-ci se dote de documents d’urbanisme. Cette planification permet en effet d’activer au besoin les dispositifs qui, sur le continent, servent à maîtriser les prix du foncier : vingt-six communes corses sont actuellement accompagnées en ce sens. En outre, grâce à Bruno Questel, le projet de loi 3DS prévoit la remise au Parlement, cet été, d’un rapport consacré à la spéculation foncière, à ses origines et aux solutions possibles.
    Parallèlement, nous avons lancé une mission de l’Inspection générale des finances (IGF), de l’Inspection générale de l’administration (IGA) et du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) sur la fiscalité du marché de la location en Corse, c’est-à-dire aussi bien les meublés de tourisme que la location de longue durée, l’objectif étant d’encourager cette dernière. Enfin, la loi organique du 19 avril 2021 relative à la simplification des expérimentations se trouve tout à fait adaptée aux besoins de la Corse. Comme je l’avais déjà fait au banc lors de l’examen de ce texte, je m’engage à accompagner toute demande, à droit constitutionnel constant, émanant de ce territoire.
    En conclusion, mesdames et messieurs les députés, je souhaiterais que nous ne nous trompions pas de débat. La spéculation foncière et immobilière constitue un vrai problème en Corse, où l’accès des ménages les plus jeunes et les plus modestes à un logement abordable, y compris social, devient un défi majeur. Toutefois, nous devons raisonner avec pragmatisme si nous voulons élaborer des réponses adaptées au cadre constitutionnel. J’y suis prête et vous réitère ma proposition d’avancer ensemble ; en revanche, pour toutes les raisons que je viens d’exposer, le Gouvernement est défavorable à la proposition de loi.

    Discussion générale

    M. le président

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    Dans la discussion générale, la parole est à M. Paul-André Colombani.

    M. Paul-André Colombani

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    Cette proposition de loi s’attaque à une tumeur maligne qui grossit de jour en jour et se métastase à travers toute l’île : celle de la spéculation immobilière et foncière incontrôlée. Le mal est si profond que le dernier rapport d’information consacré au sujet, en juillet 2019, par l’Agence d’aménagement durable, d’urbanisme et d’énergie de la Corse établit que « l’accès au bâti et au foncier pour se loger, créer une activité économique ou agricole, devient quasiment impossible pour une famille insulaire au revenu moyen ».
    La Corse compte plus de 90 000 résidences secondaires, soit 37,2 % du parc contre 9,6 %, quatre fois moins, dans l’Hexagone. Depuis 2020, je suis conseiller municipal de Zonza, qui compte 2 600 habitants : le taux de résidences secondaires y dépasse 70 % et 1 300 actes d’urbanisme y ont été délivrés entre 2018 et 2019. Mesurez ce que ces chiffres ont d’insensé (M. Bertrand Pancher applaudit) : 1 300 actes d’urbanisme en deux ans dans une commune de 2 600 âmes ! Rendez-vous compte de ce que cela représente et des conséquences dramatiques d’une telle situation en matière d’accès à la propriété et même au logement !
    Nous ne sommes pas là dans le monde d’avant, madame la ministre, mais dans le monde présent, le vôtre. Il faut agir de toute urgence. Le Gouvernement doit rompre avec son inaction. Soyons clairs : nous arrivons au terme du quinquennat et, en ce qui concerne les revendications légitimes du peuple corse, rien n’a été accompli. Je pense à la réforme inaboutie de la Constitution,…

    M. Bertrand Pancher

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    C’est vrai !

    M. Paul-André Colombani

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    …au projet de loi 3DS, qui ne fera aucunement progresser la Corse sur le chemin de l’autonomie,…

    M. Bertrand Pancher

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    Là aussi !

    M. Paul-André Colombani

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    …à la question des prisonniers politiques ou encore à celle du statut de résident, qui constituerait une réponse adéquate au problème de la spéculation immobilière. En l’absence, je le répète, de la réforme constitutionnelle promise par le Président de la République et censée aboutir à la reconnaissance de la spécificité de la Corse, ce texte s’attache à trouver à droit constant des solutions à cette situation alarmante, à nous offrir des outils de lutte contre la spéculation.
    Je me permets de rappeler quelques-uns des chiffres vertigineux que son exposé des motifs cite : entre 2006 et 2019, le coût du foncier a augmenté en Corse de 138 % contre 64 % sur le continent ; celui du logement, de 68 % contre 36 %. Encore une fois, cette frénésie a des conséquences désastreuses sur l’accès au logement. Certains nous objectent que c’est également le cas sur la Côte d’Azur ou en région parisienne ; reste que la Corse, elle, est une région pauvre – un Corse sur cinq vit sous le seuil de pauvreté et le revenu annuel médian est inférieur de 17 % à celui de la France métropolitaine. En outre, dans notre île-montagne, aux contraintes géographiques importantes, il est difficile de se soustraire à l’inflation en se logeant loin de son lieu de travail ; c’est tout particulièrement vrai pour la jeunesse, qui devra finir par renoncer à s’installer chez elle à cause de cette constante flambée des prix.
    La cherté de la vie est aussi celle des carburants, au sujet de laquelle nous ne cessons d’alerter le Gouvernement depuis le début de son mandat – pour nous heurter, là encore, à son immobilisme. Même si nous avons mis fin en 2019 au crédit d’impôt sur les meublés de tourisme dont jouissaient certains spéculateurs, la situation n’en est pas moins hors de contrôle. Tous ceux qui connaissent et aiment la Corse – c’est le cas de beaucoup d’entre vous – auront observé l’étalement urbain qui laisse craindre que la bétonisation ne défigure irrémédiablement l’île de beauté. À cette inquiétude, ceux qui vivent en Corse ajoutent l’angoisse de ne pouvoir se loger ou exercer une activité économique ou agricole. En un mot, nous assistons à la dépossession immobilière et foncière de la population corse. Il est temps de l’affirmer collectivement : les Corses ont le droit de se loger d’une manière décente sur leur terre, et c’est bien là l’enjeu du texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe LT.)

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Coquerel.

    M. Éric Coquerel

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    Plus de 4 millions de personnes en France sont très mal logées voire plus logées du tout, comme l’établissait il y a deux jours la Fondation abbé Pierre. Se loger en France coûte de plus en plus cher – trop cher –, au point de contraindre les classes populaires à s’éloigner toujours plus des centres-villes, et même désormais de leurs périphéries, ainsi qu’à subir l’insalubrité et le mal-logement. Pour beaucoup, acheter un bien immobilier est un luxe très coûteux voire totalement inaccessible.
    Mais pour quelques-uns, ces biens sont devenus un jeu, un pur investissement spéculatif vide de sens mais lourd de conséquences. Résultat : alors que le nombre de personnes sans domicile a doublé depuis 2012, la Fondation abbé Pierre constate que « le marché des résidences secondaires et de l’immobilier de luxe se porte à merveille, reflet des inégalités […] entre les ménages ». Les résidents des zones touristiques pâtissent directement de ces dynamiques inégalitaires. C’est le cas évidemment en Corse, dont l’insularité et les paysages incroyables n’ont pas fini d’attirer massivement les visiteurs. Cet engouement serait loin d’être un problème s’il ne s’accompagnait de jeux spéculatifs tels que, dans l’île, plus de 40 % des logements sont des résidences secondaires – encore s’agit-il d’une moyenne, ce taux atteignant un niveau autrement plus élevé dans certaines villes. Parmi ces résidences secondaires, 55 % appartiennent à des continentaux et 8 % à des étrangers.
    Entre 2006 et 2019, le coût du logement a augmenté deux fois plus vite en Corse que dans l’Hexagone, alors qu’une personne sur cinq y vit sous le seuil de pauvreté. Je sais, cher collègue Colombani, à quel point la Corse fait partie des départements les plus pauvres, derrière la Seine-Saint-Denis.

    M. Bruno Questel

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    Ce n’est pas tout à fait comparable.

    M. Éric Coquerel

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    Il y a aussi de la pauvreté en région parisienne, il faut le rappeler. Les loyers en Corse sont de plus en plus élevés, et les habitants ont des difficultés croissantes pour accéder au logement. Il me semble que nous pouvons tous nous accorder sur le caractère absolument insupportable de ce constat. Le maire du village de Zonza, que j’ai rencontré récemment, en témoigne : dans sa commune, 70 % des logements sont des résidences secondaires. Le problème, évident, n’est pas lié dans ce cas à une pénurie de logements mais à une part trop importante de résidences secondaires, inaccessibles aux personnes qui vivent sur place. Autrement dit – pour reprendre une vieille formule des années soixante-dix, qui me semble toujours juste –, on a le droit de vivre et de travailler au pays, mais on doit aussi avoir le droit de s’y loger ; c’est bien ce dont il est question.
    C’est pourquoi notre groupe soutiendra la proposition de nos collègues corses, dont nous partageons les constats et les inquiétudes et avec lesquels nous reconnaissons le besoin de solutions concrètes et immédiates. Comme l’a dit mon collègue Acquaviva, nous sommes face à une rupture d’égalité manifeste et face à une injustice d’autant plus insupportable qu’elle pourrait inquiéter tous ceux qui ont choisi la voie démocratique et pacifique pour régler une question dont nous savons qu’elle est endémique depuis des décennies en Corse.
    Nous avons, cela dit, des réserves sur la méthode et sur le recours à l’article 72 de la Constitution – M. Acquaviva le sait. J’ai en effet l’impression que ce texte cherche à répondre à deux questions différentes. La première, que je viens de décrire, concerne la situation du logement et des résidences secondaires. Mais il me semble que nous partageons aussi une interrogation quant à l’adaptation de nos institutions aux particularités de la Corse et aux aspirations exprimées à de nombreuses reprises par la souveraineté populaire. Vous savez, cher collègue Acquaviva, que de ce point de vue nous préférons voir évoluer – nous nous y sommes engagés – l’article 74 de la Constitution, ou rechercher avec vous des voies constitutionnelles nouvelles pour reconnaître la particularité corse.
    Il nous semble aussi que la question de l’adaptation réglementaire pourrait servir pour toutes les zones touristiques et intéresser d’autres régions : si la question se pose en Corse de façon dramatique, comme je viens de l’évoquer, elle se pose également dans d’autres régions de France – vous l’avez dit, cher collègue – de façon tout aussi urgente.
    Quoi qu’il en soit, notre constat reste le même : cette démarche pour la Corse et ses habitants est urgente et d’utilité publique. Qu’il s’agisse de mettre en œuvre le droit de préemption, de mieux taxer les résidences secondaires, d’envisager un statut du résident ou d’interdire les constructions dans certaines zones, il faut agir vite. Vous avez dit, madame la ministre, qu’il fallait agir avec pragmatisme et que vous y étiez prête, mais cela fait cinq ans que vous gouvernez et je ne constate pas que vous l’ayez fait. M. Macron « ne considère pas qu’on a réussi à aller suffisamment loin », selon ses propres termes, en matière de logement social. C’est une phrase compliquée, qui montre son embarras. Or de ce point de vue, il faut agir vite.

    Un député du groupe Dem

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    Tout à fait !

    M. Éric Coquerel

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    C’est la raison pour laquelle, en dépit des réserves que j’ai émises, nous voterons pour l’adoption de ce texte.

    M. le président

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    La parole est à M. Stéphane Peu.

    M. Stéphane Peu

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    La présente proposition de loi entend lutter contre les phénomènes de spéculations foncière et immobilière auxquels la Corse est confrontée depuis plusieurs années. Nous la soutiendrons car elle soulève des questions majeures qui nécessitent une réponse et qui méritent que l’expérimentation proposée soit lancée. Cette proposition pointe en effet les difficultés rencontrées pour se loger en Corse et les injustices profondes générées par le système actuel.
    La question du patrimoine, des murs et de la terre soulève celle de la possibilité de se loger, de vivre et de travailler au pays ; elle est essentielle. Dans les années trente, un grand résistant corse, Jean Nicoli, assassiné en 1943 par les Chemises noires, évoquait déjà dans ses écrits ceux qu’il appelait lui-même les « spoliés de la terre » ; il avait fait de leur sort l’un de ses combats.
    Comme l’indiquait à l’instant Éric Coquerel, il existe des similitudes entre la Corse et l’Île-de-France quant aux inégalités de patrimoine et de revenu, même si les deux régions n’ont rien à voir entre elles. Les disparités en matière de revenu – ce que certains ont pu appeler un apartheid social et territorial – s’y développent. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, de tels écarts sont notamment liés à la question du patrimoine. Tous les mécanismes de défiscalisation instaurés au cours des dernières années n’ont fait qu’accroître les inégalités tant de revenu que de patrimoine. Il est donc temps de les réorienter.
    Le rapporteur l’a dit : il existe des zones en Corse dans lesquelles les foyers moyens ne peuvent pas se loger et encore moins accéder à la propriété. C’est vrai notamment dans plusieurs zones littorales – qui, par définition, représentent une grande partie du territoire d’une île.
    Face à ce constat inquiétant, l’article 1er de la proposition de loi propose d’instaurer, dans le cadre d’une expérimentation, un droit de préemption devant renforcer la possibilité, pour la collectivité de Corse, d’intervenir lors de la mutation d’un bien immobilier qu’il s’agisse d’une vente, d’un échange ou d’une donation. L’article 2 permettra de financer en partie ces interventions de la collectivité sous forme de préemptions, en instaurant une taxe spécifique sur les résidences secondaires. Enfin, l’article 3 vise à renforcer la possibilité donnée au PADDUC de créer des zones sans activité de grande distribution ou de location de meublés touristiques de type Airbnb.
    Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine soutient cette proposition, et je voudrais profiter de la présence de Mme la ministre pour souligner deux points. Dans notre pays, le droit de préemption est adossé à la présence d’un intérêt public, qui ne peut lui-même se justifier que par la construction d’une école, d’un équipement ou d’une route. Mais les écarts de patrimoine s’accroissent et la spéculation fait rage, dans les zones touristiques comme dans les zones en développement. En Île-de-France, quarante gares sont ainsi en cours d’aménagement dans le cadre du Grand Paris, financées par de l’argent public. Or, sans qu’on ne fasse rien, la valeur des terrains situés à proximité augmente de 10 %, 12 % voire 15 %. Peut-on laisser certains gagner autant d’argent, réaliser de telles plus-values, en dormant ? Je ne le pense pas, et je crois que la lutte contre la spéculation, en Corse comme en Île-de-France, relève de l’intérêt public. On doit ainsi faire reposer le droit de préemption sur une définition de l’intérêt public intégrant la lutte contre la spéculation. Sans cela, notre pays aura beaucoup de mal à relever le défi du logement pour tous et de la maîtrise des prix.
    J’émettrai enfin une petite réserve : nous aurions souhaité qu’une proposition de loi visant à renforcer la possibilité pour les Corses de se loger chez eux à des prix raisonnables comporte un volet lié au développement du logement social, qui reste, en Corse comme dans de nombreux endroits en France, très en deçà de qu’il devrait être.

    M. le président

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    La parole est à M. Bruno Questel.

    M. Bruno Questel

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    La présente proposition de loi vise, comme l’indique son titre, à lutter contre le phénomène de spéculations foncière et immobilière en Corse. Quatre articles la composaient avant son examen en commission des lois, le 31 mars 2021. Le premier article institue un droit de préemption spécifique à la Corse ; le second instaure une taxe sur les habitations, hors résidences principales ; le troisième permettrait la mise en place de zones communales d’équilibre territorial dans le projet d’aménagement et de développement durable (PADD) ; le quatrième octroie à la Corse un droit d’expérimentation législative.
    En commission des lois, le groupe La République en marche a émis un vote favorable à cette proposition de loi dans son ensemble, non sans avoir rappelé quelques réserves juridiques d’ordre institutionnel ou politique qui ont déjà été évoquées par certains de mes prédécesseurs à cette tribune. C’est ainsi qu’à l’article 1er, nous avons adopté le dispositif proposé après avoir retravaillé sa rédaction avec M. le rapporteur. Sur l’article 2, nous nous sommes abstenus dans le seul but de permettre que le débat ait lieu en séance publique. À l’article 3, nous avons adopté la rédaction du rapporteur, modifiée par rapport au dispositif initial. Quant à l’article 4, le même dispositif a été adopté en première lecture dans le cadre des travaux sur le projet de loi 3DS, mais il n’a pas été conservé par la commission mixte paritaire pour des questions constitutionnelles qui ne sont pas qu’aléatoires.
    Sur le fond, mes chers collègues, le sujet de la spéculation en Corse doit être appréhendé sans tabou. Ici comme ailleurs, il ne doit pas être caricaturé ou traité uniquement au travers de symboles. La démarche de nos collègues insulaires n’est pas nouvelle. Depuis 2017, ils créent sans faillir les conditions d’un débat parlementaire apaisé et constructif et démontrent leur volonté d’avancer sur ce point. Comme d’autres régions, la Corse connaît un retour à la terre et au rural, une fuite des tissus urbains. Ce mouvement est principalement la conséquence de l’évolution du monde, traversé depuis deux ans par la pandémie. En Corse, 40 % des jeunes vivent dans les villages, loin de tout. Les trajets entre le domicile et le travail sont difficiles ; les coûts de l’immobilier urbain, affectés par le prisme spéculatif justement dénoncé par nombre d’entre vous, empêchent les primo-accédants de trouver un logement. Ce phénomène ne doit pas être occulté.
    C’est pourquoi, au-delà des réserves évoquées, le groupe La République en marche votera en faveur de cette proposition de loi en s’en tenant aux décisions de la commission des lois telles qu’arrêtées en application de l’article 88 de notre règlement. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Dem et LT.)

    M. le président

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    La parole est à M. François Pupponi.

    M. François Pupponi

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    La proposition de loi qui nous est soumise aujourd’hui a appelé l’attention du groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés car elle s’attaque à deux problèmes majeurs auxquels la Corse est confrontée : la spéculation foncière et l’autonomie à laquelle elle aspire. Notre groupe ayant toujours défendu le régionalisme, cette proposition a suscité un vif intérêt parmi ses membres. Nous tenons à vous expliquer pourquoi nous voterons en faveur de ce texte.
    Oui, la spéculation foncière existe en Corse ! Elle y est même particulière pour trois raisons. La première est que les Corses sont pauvres. Le revenu médian, qui s’élève à 20 000 euros, est de 20 % inférieur à ce qu’il est dans l’ensemble du pays. Étant pauvres, les Corses sont parfois contraints de vendre leurs terres.
    La deuxième raison de la spéculation foncière en Corse, c’est que l’île est belle, pour ne pas dire très belle, ce qui aiguise les appétits financiers. Outre qu’ils profitent eux-mêmes de la beauté de l’île, les investisseurs savent qu’ils peuvent gagner beaucoup d’argent en louant les résidences qu’ils font construire ou en réalisant une belle plus-value à la revente.
    La troisième spécificité de la spéculation foncière en Corse, c’est l’incapacité des institutions républicaines à l’empêcher, quand elles ne s’en font pas les complices. En effet, la Corse présente la particularité que 80 % du territoire de l’île n’est pas soumis à un PLU et qu’en conséquence le droit de préemption, l’outil juridique aux mains des collectivités locales pour lutter contre la spéculation foncière, ne peut pas s’y appliquer. Il faut le dire, les élus qui ne votent pas de PLU ont une part de responsabilité dans cette situation puisqu’ils s’interdisent ainsi de préempter des terrains et de lutter contre la spéculation.
    L’État lui-même a été parfois complice de la spéculation foncière. Je l’ai dit, les plus riches fortunes de notre pays venaient déjà en Corse acheter des biens, construire des maisons et gagner beaucoup d’argent : on aurait pu en rester là. Eh bien non ! L’État leur a en plus donné de l’argent pour le faire ! (M. Bruno Millienne applaudit.)

    M. Bruno Questel

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    Il a raison !

    M. François Pupponi

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    Vous avez évoqué tout à l’heure, madame la ministre, un problème de rupture d’égalité devant l’impôt mais pendant longtemps il y a eu une rupture d’égalité devant l’aide fiscale puisque c’est la seule région française où des investisseurs extérieurs ont bénéficié de l’aide de l’État pour venir y construire des résidences secondaires et pour les louer, concurrençant ainsi l’économie locale ! C’était le fameux crédit d’impôt para-hôtelier. Heureusement, cette majorité a eu l’honneur de supprimer ce dispositif, car donner de l’argent aux plus riches de notre pays pour venir gagner de l’argent en faisant de la spéculation est tout sauf moral.
    Ce qui est terrible, c’est que depuis, les hôtels de Corse sont concurrencés par des résidences secondaires, comptant une dizaine de chambres, une piscine et un personnel embauché au noir pendant l’été. Ces résidences secondaires sont louées au détriment de l’économie légale qui, elle, paie des impôts et des charges sociales pour le personnel qu’elle recrute. Ce dispositif a donc favorisé non seulement la spéculation foncière, mais aussi la concurrence déloyale au détriment de l’économie locale et d’établissements touristiques qui étaient pour la plupart tenus par des Corses. Permettez-moi à ce propos d’avoir une pensée particulière pour César Filippi, un ami très cher de Porto-Vecchio qui lutte contre cette dérive, financée à l’origine par l’État.
    Ce qu’on nous propose par ce texte, c’est de lutter contre cette spéculation en donnant à la collectivité de Corse, la seule collectivité locale qui en aura les moyens, la faculté de préempter. Comment voulez-vous que la commune de Porto-Vecchio, celle de Bonifacio, qui compte 2 000 habitants, qu’un petit village de quelques centaines d’habitants puissent préempter les biens de plusieurs millions d’euros qui sont vendus sur leur territoire tous les ans ? La seule collectivité qui ait les moyens de préempter est la collectivité de Corse, dont la population – 380 000 habitants – équivaut à celle d’un petit arrondissement parisien.
    En outre, il faudra bien entendu doter la collectivité de Corse des moyens financiers de préempter. C’est l’objet de l’article 2 que nous soutiendrons. Il faut que l’Assemblée nationale permette à la Corse de s’engager enfin vers l’autonomie. Les Corses ont voté à trois reprises ces dernières années pour des listes autonomistes : il faut entendre ce choix démocratique. Il faut que l’Assemblée nationale soit au rendez-vous de l’histoire. (Applaudissements sur les bancs des groupes Dem et LT.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Claudia Rouaux.

    Mme Claudia Rouaux

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    Le foncier corse relève d’un statut historiquement dérogatoire, symbolisé par les arrêtés Miot du 10 juin 1801, prévoyant une imposition forfaitaire des successions et l’absence de sanction en cas de non-déclaration. Si un retour au droit commun a été engagé dès 1998, cette situation a créé un désordre juridique et foncier considérable.
    En parallèle, la Corse connaît une tension particulièrement forte en matière d’accès au logement, notamment dans les zones littorales, du fait de la spéculation foncière et de la forte proportion de résidences secondaires. Celles-ci représentent 28,8 % du parc de logements, soit trois fois plus que la moyenne nationale, qui est de 9,7 %, et même la majorité de l’habitat dans des villes comme Bonifacio ou Porto-Vecchio. En outre, seulement 37 % de ces résidences sont la propriété de personnes résidant habituellement en Corse. Ces résidences secondaires sont très fortement mobilisées comme locations saisonnières plutôt que comme lieux de villégiature estivale de leurs propriétaires. Elles représentent ainsi 75 % de l’offre touristique de l’île, avec une forte concentration près du littoral, où elles alimentent un marché spéculatif lié à leur rentabilité et à la faible disponibilité du foncier du fait des effets cumulés des lois « montagne » et « littoral ».
    Alors que la Corse sortira en 2027 du régime fiscal dérogatoire des successions, la liquidation des successions futures et leur imposition se feront sur la valeur réelle des biens et non plus sur une base forfaitaire favorable. Nos collègues de Corse craignent un phénomène important de cession de ces biens visant à solder les droits de mutation avec le transfert d’une propriété familiale corse vers des investisseurs extérieurs, risquant d’amplifier des évolutions en cours.
    Afin d’anticiper cette échéance et de freiner les dynamiques déjà à l’œuvre, les responsables politiques de Corse réclament depuis plusieurs années des pouvoirs étendus pour la nouvelle collectivité de Corse qui lui permettent de mieux maîtriser l’évolution du foncier et d’appliquer une forme de préférence locale à la propriété. Ces demandes s’inscrivent dans la continuité de requêtes plus anciennes sur le statut de la Corse et sur la possibilité de mettre en œuvre une différenciation territoriale dans certains domaines.
    Nous saluons le travail réalisé par notre rapporteur en commission afin de tenir compte des remarques formulées par les divers groupes, qui nous a permis d’adopter ce texte. Nous soutenons l’expérimentation proposée à l’article 1er d’un droit de préemption urbain spécial, visant à permettre à la collectivité de Corse de favoriser la mixité de l’habitat et l’accès au logement, pour les cessions à partir d’un certain seuil. Nous regrettons à cet égard que la proposition de nos collègues Peu et Pupponi d’inscrire dans la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, la loi Elan, un droit de préemption spécial pour lutter contre l’habitat insalubre et les marchands de sommeil n’ait pas trouvé le même écho ni le même soutien auprès de la majorité.
    L’expérimentation d’une différenciation de la Corse dans certains domaines retient également notre intérêt. En témoigne ce que nous avons nous-mêmes proposé pour les collectivités d’outre-mer, encore récemment dans le cadre de l’examen du projet de loi 3DS.
    Nous sommes plus réservés sur le dispositif de l’article 2 instaurant une taxation des résidences secondaires, non quant à son principe, mais parce qu’il aurait été intéressant de le penser à l’échelle nationale, pour tous les territoires qui connaissent une très forte proportion de résidences secondaires, entraînant un phénomène d’éviction des autres résidents – je peux en témoigner en tant que députée élue en Bretagne.
    Si les équilibres trouvés en commission sont maintenus, nous voterons en faveur de cette proposition de loi de nos collègues de Corse et du groupe Libertés et territoires. (M. le rapporteur applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à M. M’jid El Guerrab.

    M. M’jid El Guerrab

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    Cette proposition de loi n’est pas banale pour moi : elle me tient particulièrement à cœur et j’éprouve évidemment une grande bienveillance à son égard. J’ai eu le plaisir et l’honneur d’appartenir une année durant au même groupe que mes trois amis corses, Jean-Félix Acquaviva, Paul-André Colombani et Michel Castellani. Ils m’ont fait découvrir leur pays, leur territoire, leur identité locale, leur langue, leur culture, et surtout leur façon de vivre la République. De cela, je les remercie. Le séminaire qui nous a réunis dans la circonscription de Jean-Félix Acquaviva a été un des moments les plus forts de mon mandat. (M. Bertrand Pancher et M. le rapporteur applaudissent.)
    Je le dis clairement à mes amis corses, vos combats sont les nôtres. Ils sont légitimes, ils sont honnêtes, et je sais que toute l’île est derrière cette proposition de loi. Celle-ci traduit directement le besoin de différenciation, singulièrement exprimé par la Corse, dans la limite de ce qui est permis, vous l’avez dit, madame la ministre, par la loi et par la Constitution. Ce besoin de différenciation mérite des évolutions proportionnées.
    Nous analysons un texte qui aborde diverses problématiques relatives à cette collectivité. À cet effet, il convient de rappeler quelques éléments factuels.
    S’agissant du marché immobilier corse, le rapport Carcassone a souligné que 30 % du PIB de l’île était issu du tourisme. Concrètement, 70 % des résidences secondaires appartiennent à des propriétaires n’ayant pas leur résidence principale en Corse. Rappelons que l’augmentation du prix du foncier et de l’immobilier dans ce territoire est considérablement supérieure à la moyenne nationale : 138 % contre 68 % en métropole entre 2006 et 2017. Ces chiffres s’expliquent par le fait que l’immobilier corse est un marché captif et hyper concentré, où certains apparemment font de très bonnes affaires.
    Par ailleurs, je tiens à rappeler que 20 % des Corses vivent sous le seuil de pauvreté : c’est inacceptable. (M. Bertrand Pancher applaudit.) Certains ne peuvent pas se gaver allègrement quand d’autres, dans le même territoire, vivent sous le seuil de pauvreté. Sur ce sujet, il nous appartient d’apporter des réponses fortes, innovantes et qui bousculent, tout en essayant de trouver des points d’équilibre.
    Par ailleurs, la clause générale de compétence de la Corse a été le fondement de dispositifs singulièrement innovants, vous l’avez rappelé, madame la ministre, et puissants sur le plan quantitatif et qualitatif, visant à lutter contre la spéculation et la dépossession, à endiguer la paupérisation des insulaires et à gommer les fractures internes. S’agissant du droit de préemption, rappelons que la Corse en bénéficie déjà dans certains lieux, mais comme le président du conseil exécutif de Corse, mon ami Gilles Simeoni, l’a souligné pendant les auditions, citant un proverbe corse, « il est légitime de demander même si la perspective d’une réponse positive est peu probable. »
    Dans le détail du texte, l’article 1er, relatif à la création d’un droit de préemption, pose la question du respect de deux principes constitutionnels, nous le verrons. Concernant l’article 2, créant une taxe annuelle sur les locaux des résidences secondaires, il demeure aussi quelques contraintes constitutionnelles, vous l’avez rappelé, madame la ministre. Tout d’abord, il convient de rappeler que la situation corse se retrouve dans d’autres territoires de notre pays où le taux de résidences secondaires est également élevé, comme la Côte d’Azur, le littoral atlantique ou la région parisienne. Je me permets ensuite de souligner que reconnaître à la collectivité de Corse la faculté de moduler son taux pourrait, selon certains constitutionnalistes, être contraire à nos lois fondamentales et au principe constitutionnel d’égalité devant les charges publiques. Mais qui ne tente rien n’a rien. En résumé, il convient de ne pas perdre de vue les spécificités territoriales de la Corse qui méritent une prise en compte particulière.
    Enfin, je profite de l’occasion qui m’est donnée pour louer l’esprit d’initiative et d’investissement des nombreux entrepreneurs corses établis en Afrique de l’Ouest, dans ma circonscription. Ils se retrouvent à Dakar à l’union amicale corse autour de mon ami Jean-Michel Sol ou au fin fond de la Guinée-Bissau, chez M. Grimaldi, propriétaire du restaurant Le Kalliste, poussés à tenter avec succès l’aventure loin de leur très chère île. À mes amis Jean-Félix, Michel ou Paul-André, je voudrais dire « A nostra casa hè chjuca, u nostru cori hè grandi » : notre maison est petite, mais notre cœur est grand.
    La liberté de vote est laissée aux membres du groupe Agir ensemble sur cette proposition de loi, mais, à titre personnel, vous l’aurez compris, j’y suis très favorable. (Applaudissements sur les bancs du groupe LT. – M. Bruno Millienne applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Gomès.

    M. Philippe Gomès

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    La Corse est confrontée à une difficulté majeure : l’absence de reconnaissance par la Constitution de la République française de sa singularité, de sa spécificité, de son histoire, de son identité, de tout ce qu’elle est.

    M. Bertrand Pancher

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    Bien !

    M. Philippe Gomès

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    La présente proposition de loi essaie, avec volontarisme et imagination, de contourner ce fait majeur qui explique que les adaptations législatives ne peuvent être que marginales. Elle apporte donc une réponse partielle, insuffisante mais nécessaire dans le cadre juridique qui est le nôtre, celui de l’absence de dispositions constitutionnelles. Il faut souligner que la Corse est l’une des seules îles de l’Union européenne à ne pas bénéficier du cadre constitutionnel requis pour construire sa propre identité, en l’occurrence au sein de la République française. Nous ne pouvons que regretter ce manque. (M. le rapporteur ainsi que MM. Bertrand Pancher et Bruno Millienne applaudissent.)
    On ne peut comprendre cette proposition de loi qu’à partir du moment où l’on comprend que si la tendance en matière de construction de résidences secondaires se poursuit au niveau constaté ces deux dernières décennies – alors que le taux de pauvreté des Corses est largement supérieur à la moyenne nationale –, si nous laissons les Corses devenir des étrangers sur leur propre terre, nous ne pourrons pas dire que nous n’avions pas été prévenus ; la situation dans laquelle nous laissons l’île tomber peu à peu est à même de créer des frustrations majeures au sein du peuple corse, qui n’aurait plus la place qu’il doit avoir chez lui. (M. le rapporteur et M. Bertrand Pancher applaudissent.) La terre, dans une société insulaire, pour un Corse, n’est pas simplement un bien économique, c’est un élément fondamental de l’identité du peuple.

    M. Jean-Félix Acquaviva, rapporteur

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    Tout à fait !

    M. Philippe Gomès

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    C’est pourquoi le groupe UDI et indépendants soutient totalement cette proposition de loi et les dispositions qu’elle contient : le droit de préemption, les mécanismes d’encadrement, le droit à l’expérimentation législative qui autorisera la collectivité de Corse à expérimenter des mesures relevant de dispositions législatives en vigueur ou en cours d’élaboration lorsqu’elles présentent, pour l’exercice de ses compétences, des difficultés d’application liées aux spécificités de l’île.
    Cette proposition de loi est le minimum que le Parlement puisse faire aujourd’hui. J’espère toutefois qu’après l’élection présidentielle, nous traiterons enfin de manière fondamentale, dans le cadre de la Constitution française, le cas de la Corse. (Applaudissements sur les bancs du groupe LT. – M. Bruno Millienne applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Michel Castellani.

    M. Michel Castellani

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    L’examen de la présente proposition de loi me donne l’occasion de tenter d’expliquer les motivations qui sont les nôtres, car il existe dans cette assemblée comme dans l’ensemble de l’opinion une incompréhension à l’égard de la Corse, des Corses et de leurs revendications, quelquefois jugées excessives ou infondées.
    Je veux d’abord écarter un quiproquo : nous savons clairement que chaque parcelle de territoire, chaque région, possède sa personnalité, ses caractéristiques physiques, économiques et culturelles, ses problèmes, ses objectifs et ses espoirs. Chaque député est ancré dans une réalité et porte un projet. Nous n’avons en Corse aucune prétention à l’exclusivité ni à l’extraterritorialité.
    Cela étant précisé, je voudrais porter à votre connaissance quelques éléments structurants pour que vous les connaissiez, peut-être, un peu mieux. La Corse a su, au XVIIIe siècle, bâtir son indépendance, faire vivre quatorze années durant un État actif, sur les bases constitutionnelles les plus modernes de l’époque. Au-delà de cet épisode révélateur, la Corse est le cadre de vie parfaitement identifiable d’un peuple historique, avec sa langue, ses us, ses proverbes, sa cuisine, ses fêtes, sa musique, ses qualités et ses faiblesses. Ce peuple a toujours été au cœur des échanges méditerranéens et a accueilli en permanence des femmes et des hommes venus se fondre dans une vie commune et maintenir au long des siècles un sentiment d’appartenance vivace – suffisamment vivace pour résister aux attaques de l’histoire et parvenir jusqu’à nous. C’est cela, et rien d’autre, le peuple corse : une conscience d’être, un projet de vie partagé, un ensemble de signes sociaux auxquels on adhère, au-delà des intangibles différences personnelles.
    Cette communauté a traversé de terribles épreuves. La Corse comptait 300 000 habitants au début du XXe siècle. Le mal-développement et les guerres lui ont fait perdre la moitié de ses enfants,…

    M. Bertrand Pancher

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    Eh oui !

    M. Michel Castellani

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    …qui n’étaient plus que 160 000 en 1962. L’arrivée massive des rapatriés d’Algérie, l’irruption du tourisme, la croissance démographique générale ont depuis bousculé cette communauté. La population est ainsi passée de 160 000 aux 350 000 habitants actuels par le jeu exclusif des mouvements migratoires. La croissance démographique est la plus élevée de toutes les régions métropolitaines. On observera le paradoxe négatif qu’il y a à connaître en même temps une situation sociale désastreuse et une attractivité record. C’est là le résultat du fonctionnement de l’économie résidentielle, laquelle crée certes des situations enviables, mais n’a provoqué de développement économique nulle part dans le monde, et encore moins en Corse. L’île compte aujourd’hui 350 000 habitants, je le répète, dont 200 000 n’y étaient pas encore en l’an 2000. En vingt ans, la population a donc été renouvelée à hauteur de 57 % et le phénomène s’accélère.
    On comprend dès lors les redoutables problèmes que pose cette situation en matière non seulement de logements, d’emplois, de formation, d’infrastructures, de santé mais aussi de cohésion d’un corps social en mouvement. Une société n’est pas un agrégat informe d’individus ni la coexistence plus ou moins pacifique de communautés ; elle ne devrait pas non plus être le voisinage de promoteurs fortunés et d’un grand nombre de précaires. Une société devrait se nourrir d’un projet commun, d’une volonté de partager, d’un ensemble de références, de signes sociaux qui, au-delà des différences individuelles, rapprochent les individus.
    À la lumière de ces données, on comprend mieux le combat que nous menons pour notre langue, de plus en plus marginalisée, alors qu’elle a été des siècles durant notre moyen exclusif de communication. On comprend notre volonté d’obtenir la compétence d’adaptation réglementaire et législative, pour maîtriser du mieux possible l’évolution des choses et en atténuer les avanies. Et l’on comprend les fondamentaux qui justifient la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui. La spéculation, alimentée par la beauté des sites et l’irruption de prédateurs toujours plus nombreux, pose des problèmes sur lesquels je ne reviendrai pas d’accès au logement, de ravages environnementaux, mais aussi de cohésion sociale.
    Là est notre volonté : maintenir une Corse ouverte et fraternelle, accueillante, riche de sa personnalité, qui bâtit chaque jour son destin sans renoncer à elle-même. Je l’ai dit précédemment, chaque parcelle de terre est spécifique et notre engagement peut être celui de bien d’autres régions de France ou d’Europe. Conforter ce difficile combat, ce n’est pas trahir ni affaiblir la France. C’est bien au contraire l’enrichir de la diversité de ses territoires. (Applaudissements sur les bancs des groupes LT, Dem et UDI-I.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    La Corse est cette « terre séparée, qui se défend encore un peu de ressembler à toutes les autres », comme le disait si bien Paul Valéry. Malheureusement, cette terre est désormais de moins en moins corse car de plus en plus achetée par des continentaux aisés. Il s’agit d’un véritable problème auquel des réponses doivent être apportées. C’est tout l’enjeu de la proposition de loi de notre collègue Acquaviva, visant à réguler le phénomène de spéculations immobilière et foncière qui empêche trop souvent les insulaires les plus modestes de se loger décemment.
    L’un des facteurs de ce phénomène spéculatif est l’achat massif de maisons secondaires sur l’île, le plus souvent à prix d’or. Les derniers chiffres de l’INSEE parlent d’eux-mêmes : en Corse, 72 000 habitations sont déclarées comme secondaires, soit 28,8 % du parc de logements – trois fois plus que la moyenne constatée dans les zones de province en France continentale. Plus signifiant encore, 37 % des résidences secondaires situées en Corse appartiennent à des habitants de l’île et 8 % à des propriétaires étrangers ; autrement dit, 55 % des résidences secondaires appartiennent à des continentaux.
    S’il n’est pas question de remettre en cause le droit de propriété, il faut reconnaître que ces chiffres interrogent, d’autant que le prix de l’immobilier s’envole au point d’empêcher de trop nombreux insulaires de se loger convenablement. La flambée des prix n’est pas une illusion – loin de là – puisqu’en dix ans le prix du foncier a augmenté de 138 % ! À cela s’ajoute la hausse des impôts de succession qui conduit, faute de moyens financiers, de nombreux Corses à vendre les maisons de leurs parents et grands-parents. Mécaniquement, les biens qui se retrouvent ainsi sur le marché immobilier contribuent à alimenter une offre et une demande hors de contrôle.
    En avril dernier, j’ai écouté avec attention la question au Gouvernement de notre collègue Jean-Jacques Ferrara, dans laquelle il s’inquiétait d’une forme de traitement particulier qui pourrait être accordé à la Corse. J’ai entendu ses inquiétudes quant à l’instauration d’un droit de préemption par la collectivité de Corse et à la création d’une taxe annuelle sur les résidences secondaires. J’ai entendu aussi l’invocation du principe d’égalité en matière d’application des lois et cette question : pourquoi traiter la Corse différemment du bassin d’Arcachon ou de l’île de Ré ? Il me semble qu’en l’état actuel du texte, nous pouvons être rassurés.
    En ce qui concerne le droit de préemption au profit de la collectivité de Corse, il s’agit d’une expérimentation d’une durée de cinq ans qui ne concernera que les aliénations à titre onéreux supérieures à un certain montant. Il sera donc strictement encadré et pourra être révisé si nécessaire. La création d’une taxe sur les résidences secondaires par l’Assemblée de Corse sera également encadrée, afin de ne pas pénaliser les résidents corses à faibles revenus : il est proposé que la taxe soit assise sur la valeur vénale réelle du bien considéré. Ainsi, les résidences dont la valeur vénale est inférieure à un certain seuil ne seraient pas concernées. Par ailleurs, et c’est l’un des points intéressants du texte, ce dispositif sera sectorisé. Autrement dit, il ne sera pas appliqué uniformément dans tout le territoire, permettant ainsi de prendre en compte les spécificités locales.
    Ce sont autant de propositions de bon sens qui se justifient par la situation particulière de la Corse, qui atteint un seuil de rupture que l’on ne peut ignorer. Car si la Corse est la Corse, elle est aussi la France et, à ce titre, il nous revient collectivement de lui apporter une réponse spécifique et adaptée.
    Il serait d’ailleurs dommage de s’en priver puisque les dispositions proposées pourraient servir de modèle pour d’autres territoires. En effet, si un dénouement satisfaisant est trouvé en Corse entre locaux et vacanciers, pourquoi ne pas l’appliquer ailleurs ? Entre le « statut de résident » imaginé pour lutter contre la spéculation immobilière ou l’idée de réserver l’achat de biens fonciers ou immobiliers à ceux qui habitent effectivement sur l’île depuis au moins cinq ans et l’impasse dans laquelle les Corses se trouvent aujourd’hui, un point d’équilibre peut être trouvé. C’est ce que fait cette proposition de loi et c’est pourquoi je la soutiendrai. (M. le rapporteur applaudit.)

    M. le président

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    La discussion générale est close.
    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Jean-Félix Acquaviva, rapporteur

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    Je remercie l’ensemble des orateurs et des groupes qui se sont exprimés. Nous voyons se dessiner la convergence que nous appelons de nos vœux, et même une quasi-unanimité – l’avis du Gouvernement fait exception, et nous l’entendons : il montre qu’il reste du chemin à parcourir. Laissez-moi vous remercier du fond du cœur, tant les avancées qui se profilent sont importantes démocratiquement et politiquement. Le chemin est encore long – nous en convenons –, mais il est utile que la Corse appréhende le travail du Parlement par le prisme des débats que nous menons depuis le mois de mars.
    Je commencerai par me tourner vers nos collègues de gauche, Stéphane Peu et Éric Coquerel : vous partagez notre constat, et vous rappelez que la spéculation n’est bien évidemment pas l’apanage de la Corse – l’argument est d’ailleurs relayé en d’autres lieux. Nous sommes prêts à travailler sur l’élargissement à d’autres territoires de l’expérimentation que nous prônons pour la Corse. Nous avons déjà exploré ce sujet, en particulier lors d’un récent colloque avec Xavier Roseren – il est absent aujourd’hui, mais soutient notre proposition de loi – et avec d’autres députés, concernant la fiscalisation ; celle-ci a suscité de vifs débats en commission des finances. De toute évidence, les tendances lourdes que nous déplorons en Corse sont à l’œuvre dans d’autres endroits bien identifiés comme la Bretagne et le Pays basque – je l’ai dit dans ma présentation.
    Cependant, ces tendances ne s’expriment pas partout avec la même intensité. En cela, nous avons une divergence avec Mme la ministre : les spéculations foncière et immobilière en Corse sont sans commune mesure avec celles qui sévissent dans le reste du pays, et créent une rupture d’égalité. Cette particularité tient à de nombreux facteurs propres à l’île. Ainsi, le coût du foncier y a augmenté de 138 %, quatre fois plus vite que la moyenne française. Les temps de trajet sont très longs entre les bassins d’emploi et les lieux de résidence, sans service public de transport. La topographie de l’île induit une rareté foncière naturelle. Un Corse sur cinq vit sous le seuil de pauvreté, et le revenu annuel médian des habitants est inférieur de 18 % à la moyenne française.
    Je veux aussi tordre le cou à une idée trop répandue : ce seraient les Corses qui vendent. Si certains d’entre eux le font, c’est qu’ils y sont contraints pour payer l’impôt – cela pose la question de la fiscalité sur la succession indirecte, après des décennies de non-titrage. Surtout – je le dis clairement, et c’est largement pour cela que nous avons été élus –, le système est accaparé par une minorité qui détient la propriété foncière. Cette minorité compte des insulaires, mais pas seulement. La spéculation en Corse n’est pas nouvelle, et a même créé un jackpot : les résidences secondaires sont achetées par des occupants qui, pour la plupart, ne sont pas insulaires – c’est une réalité, il n’y a ni racisme ni xénophobie à le dire – et qui se les revendent entre eux.
    Comme François Pupponi l’a expliqué, il s’est produit en Corse un phénomène qui n’a jamais existé dans d’autres territoires : le cumul entre un crédit d’impôt détourné, une fiscalité avantageuse des locations saisonnières, une exonération des plus-values sur les cessions de biens immobiliers, et une promotion par un système d’intermédiation très actif. En quinze ans s’est imposée une logique d’« open bar », pour reprendre les termes que Charles de Courson a employés en commission des finances, quand, sur ma proposition, nous avons restreint le crédit d’impôt en faveur des meublés de tourisme. Cette logique, qui induit une rentabilité hors norme, n’existe nulle part ailleurs.
    Pour toutes ces raisons, la Corse subit une rupture d’égalité patente. Les familles moyennes sont dos au mur, et les tensions sont légion. L’exemple de Zonza, évoqué par Paul-André Colombani, l’illustre parfaitement : son budget équivalant à la vente d’une seule villa, comment cette commune pourrait-elle faire valoir son droit de préemption urbain ? C’est impossible. Les communes appellent de leurs vœux une solidarité avec la collectivité de Corse, qui détient la clause de compétence générale, pour lutter ensemble, dans la concertation – et non en s’opposant les unes aux autres –, contre un phénomène de dépossession.
    Plusieurs intervenants l’ont souligné : la logique qui est à l’œuvre, c’est « Ôte-toi de là que je m’y mette ! », Michel Castellani en a montré les ressorts historiques, démographiques, culturels et tenant au lien à la terre, et je salue aussi les interventions de M’jid El Guerrab et de Philippe Gomès sur ce sujet. Les Corses le ressentent violemment d’un point de vue physique, intellectuel et culturel. Ce n’est plus acceptable : il est urgent d’agir, et tous les groupes l’ont bien compris. Je vous remercie pour votre soutien et je souhaite que notre débat permette d’avancer sur un chemin de crête – car nous savons pertinemment qu’il devra conduire à une réforme constitutionnelle. Cheminons pour apporter dès à présent des réponses concrètes, expérimentons, évaluons et encadrons les initiatives – nos propositions ne sont pas tous azimuts, elles fixent des limites –, afin d’élaborer une régulation et d’apporter des solutions à un problème urgent.
    Je le répète, toutes les contestations qui ont suscité des tensions en Corse sont parties de l’attaque de la terre, depuis les événements d’Aléria en 1975 jusqu’aux agressions environnementales des boues rouges, en passant par la résistance contre les essais nucléaires, qui ont été malheureusement déplacés à Mururoa. Ce sont désormais les spéculations foncière et immobilière qui font rage ; elles ne sont certes pas nouvelles en Corse, mais elles y prennent des proportions immenses depuis quinze ans. Il faut y mettre un terme.

    Discussion des articles

    M. le président

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    J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi.

    Article 1er

    M. le président

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    La parole est à M. Jimmy Pahun.

    M. Jimmy Pahun

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    J’affirme mon soutien à la démarche de M. Acquaviva et de ses collègues corses. Le texte qu’ils proposent contre la spéculation foncière en Corse est d’un grand intérêt, singulièrement dans son article 1er qui établit un droit de préemption au profit de la collectivité. Vous avez parlé de solidarité : c’est une bonne chose, mais qu’en est-il des communes qui n’ont pas pu constituer de réserve foncière dans la perspective de l’intervention de l’Office foncier de la Corse ? Du reste, celui-ci aura-t-il les moyens de faire face à certains spéculateurs privés ?
    Je soutiens particulièrement cette initiative en tant que député d’un territoire littoral très actif, le pays de Retz, d’une partie du pays du Lorient et de plusieurs îles – Belle-Île-en-Mer en particulier. Je vous remercie sincèrement, madame la ministre, d’avoir reconnu la spécificité des petites îles non reliées au continent dans la loi 3DS. Vous avez regretté que la Corse n’y figure pas, et j’espère que les îles bretonnes donneront des idées à cette grande île, que je remercie les Corses d’avoir si bien préservée.
    Si nos problèmes ne sont pas équivalents à ceux de la Corse, ils s’en rapprochent : envolée du prix du foncier, difficulté des jeunes à s’émanciper, des familles à s’établir et des salariés à se loger. D’abord strictement littoral, le phénomène s’étend désormais dans les terres et affecte un nombre croissant d’habitants. La crise a accentué des dynamiques qui sont appelées à durer, la Bretagne devant gagner 400 000 habitants dans les dix ans à venir. Les Bretons doivent pouvoir travailler sur place et se loger sur place. Vous n’imaginez pas le bonheur que j’ai à voir ma fille de 35 ans acheter sa maison, en se débrouillant comme elle peut ! L’accès à la propriété est essentiel et contribue au bien de tous. Il ne se passe pas une semaine sans qu’on me relate des difficultés dans ce domaine ; la presse s’en fait largement l’écho. Certaines entreprises ne peuvent plus loger leurs collaborateurs ! Des communes, comme Carnac…

    M. le président

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    Il faut conclure, cher collègue.

    M. Jimmy Pahun

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    Laissez-moi trente secondes !

    M. le président

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    Votre temps de parole est écoulé.

    M. Jimmy Pahun

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    Je tiens à rappeler les avancées que nous avons obtenues dans le cadre de la loi ELAN concernant les dents creuses. Nous avons réussi à trouver du foncier disponible : 300 dents creuses ont été identifiées dans le pays de Retz ; il faut désormais trouver des solutions avec l’État pour qu’elles soient constructibles…

    M. le président

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    Merci, monsieur le député. Vous disposiez de deux minutes, et il s’agissait de vous exprimer sur l’article 1er, non de retracer l’histoire de la législature.
    La parole est à M. Éric Coquerel.

    M. Éric Coquerel

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    En matière de logement, que l’on parle de la pénurie des logements dans les zones urbaines et périurbaines, comme en Île-de-France, ou de la surabondance de résidences secondaires détenues à des fins spéculatives, pour être mises en location sur des plateformes comme Airbnb, tout revient à la façon dont on intervient face au marché. Le marché libre et non réglementé n’est pas la solution. C’est pourquoi nous voterons en faveur de l’article 1er.
    François Pupponi a affirmé que la Corse présentait une particularité : c’est vrai quand on met en regard le prix des résidences secondaires et la taille des communes. Cela étant, la question du droit de préemption se pose très largement en France pour d’autres communes. L’article 1er a le mérite de l’aborder sous l’angle de la spéculation immobilière. Je souhaite que l’expérimentation que nous nous apprêtons à adopter nous conduise à réfléchir à un élargissement à d’autres territoires, notamment littoraux. Si le problème qui nous occupe est particulièrement aigu en Corse, pour les raisons qui ont été rappelées, il menace malheureusement tous les littoraux de France, frappés par l’installation de résidences secondaires. J’espère que nous trouverons les moyens d’étendre le dispositif et de faciliter le droit de préemption, qui est essentiel dans ce domaine.

    M. le président

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    L’amendement no 15 de M. le rapporteur est rédactionnel.
    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Jacqueline Gourault, ministre

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    Au-delà de cet amendement rédactionnel, je tiens à rappeler dès à présent les arguments que j’ai exposés lors de la présentation ; mon intervention vaudra pour l’essentiel des amendements qui suivront.
    Je le répète : nous partageons votre constat concernant les spéculations foncière et immobilière, qui constituent un vrai enjeu en Corse, mais aussi dans de nombreux autres territoires, notamment la Bretagne – cela vient d’être rappelé. Pour traiter ces questions cruciales, il faut certes trouver de nouveaux outils – bien que nous soyons entravés par la Constitution –, mais il existe aussi un droit de préemption urbain sur les collectivités territoriales. Ces dernières peuvent récupérer des terrains et conduire des projets de construction. J’ai conscience des difficultés relatées par M. le rapporteur, notamment la trop petite taille des intercommunalités. Il n’en reste pas moins que ce droit de préemption existe.
    Les collectivités peuvent aussi s’appuyer sur des établissements publics fonciers. En l’occurrence, l’Office foncier de la Corse peut acheter des terrains et aider les collectivités à supporter des coûts d’acquisition parfois élevés et à monter des projets. Vous reconnaissez d’ailleurs la pertinence de ces outils, monsieur Acquaviva, puisque c’est sur leur base que vous avez construit votre proposition de loi. Toutefois, le fait de confier à la collectivité de Corse un droit de préemption spécifique ne pourrait que complexifier l’action foncière sur l’île. Il y aurait en effet des risques d’interférences entre plusieurs droits de préemption, notamment entre celui du bloc local et celui que vous souhaitez octroyer à la collectivité de Corse.
    Plus largement, je voudrais insister sur le rôle que pourrait – et que devrait – jouer l’Office foncier de la Corse. Cet établissement public de la collectivité de Corse a été créé pour gérer les dysfonctionnements que nous évoquons, et il possède des outils juridiques et financiers à cet effet. Les communes peuvent lui déléguer le droit de préemption urbain – encore faut-il qu’elles le veuillent, j’en conviens –, et il dispose des crédits de la taxe spéciale d’équipement à hauteur de 3 millions d’euros par an, ainsi que des crédits du plan exceptionnel d’investissement. Or sur les 22 millions d’euros prévus pour la période allant de 2015 à 2020, tous n’ont pas été consommés, loin de là, faute d’avoir pu lancer des acquisitions.
    Je suis très favorable à ce que nous continuions à travailler ensemble sur ces questions essentielles. C’est la raison pour laquelle le projet de loi 3DS prévoit qu’un rapport soit remis au Parlement en vue d’objectiver l’état des lieux et d’approfondir l’étude de solutions complémentaires. Nous avons tenu à identifier précisément votre proposition comme l’une des solutions possibles, monsieur le rapporteur. Aussi, bien que votre amendement soit rédactionnel, j’émets un avis défavorable à son adoption.

    M. le président

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    La parole est à M. François Pupponi.

    M. François Pupponi

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    Madame la ministre, votre argumentation est un peu contradictoire. Vous avez raison, l’outil opérationnel pour acheter est l’Office foncier de la Corse. Mais s’il a les moyens financiers de le faire, il n’en a toutefois pas le pouvoir juridique, à savoir le droit de préemption. Aussi ne peut-il acheter que de gré à gré.

    Mme Jacqueline Gourault, ministre

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    On peut le lui déléguer !

    M. François Pupponi

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    Lorsque des personnes privées décident de vendre entre elles, l’Office foncier de la Corse ne peut pas intervenir. C’est pourquoi l’amendement propose de confier à l’Assemblée de Corse, donc à l’Office foncier de la Corse, le droit de préemption.

    Mme Jacqueline Gourault, ministre

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    Les communes peuvent déléguer à l’Office foncier de la Corse le droit de préemption !

    M. François Pupponi

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    Non, car 80 % des communes n’ont pas de PLU. D’ailleurs, je précise que lorsqu’elles décident d’en élaborer un, les associations environnementales, bien connues en Corse, l’attaquent. Comme il n’y a pas de possibilité de préemption, il y a de la spéculation. On tourne en rond. Le seul moyen de régler le problème consiste à doter l’Office foncier de la Corse, à travers la collectivité de Corse, du pouvoir de préemption. Ainsi, il aura à la fois le pouvoir financier et le pouvoir juridique.

    M. Bruno Millienne

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à M. Bruno Questel.

    M. Bruno Questel

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    Je rappelle que plus de 80 % des communes corses ne sont pas dotées d’un document d’urbanisme ; elles sont donc dépourvues du droit de préemption. Même si les mécanismes rappelés justement par Mme la ministre sont efficients lorsqu’ils sont opposables, en l’espèce ils ne le sont pas. C’est pour cela que nous avions adopté cet amendement rédactionnel du rapporteur en commission des lois ainsi que l’article 1er. Le groupe La République en Marche fera de même en séance publique. (M. M’jid El Guerrab applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Jean-Félix Acquaviva, rapporteur

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    Je regrette que l’on ne dise pas les choses de manière cohérente s’agissant de l’Office foncier de la Corse, qui est un outil de la collectivité de Corse,…

    Mme Jacqueline Gourault, ministre

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    Je l’ai dit !

    M. Jean-Félix Acquaviva, rapporteur

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    …présidé par le président du conseil exécutif de Corse.
    Autrement dit, le droit de préemption que nous demandons par l’intermédiaire d’une expérimentation vise à faciliter le travail de l’Office foncier de la Corse qui, comme l’a dit M. Pupponi, ne possède actuellement pas ce droit.
    Quant aux moyens, on parle de 3 millions d’euros par an, à comparer à un marché immobilier qui représente plusieurs milliards d’euros. On dit que les communes peuvent déléguer. Or comme 80 % d’entre elles n’ont pas de PLU, elles n’ont pas de droit de préemption urbain. Si les maires préfèrent ne pas avoir de PLU et que ce soit le règlement national d’urbanisme (RNU) qui s’applique, c’est parce qu’ils sont l’objet de pressions. Cette dimension de la ruée vers l’or n’est jamais évoquée. (Applaudissements sur les bancs des groupes LT et Dem – M. Bruno Questel applaudit également.) C’est pourquoi les associations de maires de Corse-du-Sud et de Haute-Corse sont favorables à une collectivité forte avec une assemblée matrice de la démocratie corse dans laquelle tous les groupes assument de les aider à préempter. Ils veulent de la solidarité pour faire face à un phénomène qui leur échappe et à des intérêts occultes.
    Il ne s’agit pas que d’un problème technique, de loi ELAN, de loi « montagne », de loi « littoral » ou de PADDUC – ce n’est d’ailleurs pas vrai que le PADDUC empêche la constructibilité. Face à cette réalité incontournable, notre proposition est contextuelle : il s’agit d’une expérimentation dont on dressera tous ensemble le bilan. On se donne la main pour lutter contre un phénomène que vivent les Corses, les élus comme ceux qui ne le sont pas. Le principe d’égalité ne se regarde pas de Paris vers la Corse, il s’évalue en allant sur le terrain et en examinant l’ensemble des dimensions qui font que les choses n’avancent pas.
    Comme il n’y a pas de PLU, il n’y a pas de droit de préemption urbain et pas de possibilité de délégation à l’Office foncier de la Corse. Aussi faut-il faire autrement. Nous proposons de donner à la collectivité de Corse la possibilité de conduire une expérimentation qui peut s’exercer après le droit de préemption de la société d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) ou après celui de la commune. Lorsque le maire d’une commune qui n’a pas de PLU me dit qu’on lui met la pression sur un couvent et qu’il me demande un projet d’intérêt général, on n’attend pas des années, on intervient et on donne une réponse morale à la société corse, attendue par les Corses qui l’ont votée pour 70 % d’entre eux.

    M. le président

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    La parole est à M. Stéphane Peu.

    M. Stéphane Peu

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    Ce que vient d’expliquer le rapporteur est assez limpide.

    M. Jean-Félix Acquaviva, rapporteur

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    Il me semble !

    M. Stéphane Peu

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    N’occultons pas le fait qu’il y a, derrière les spéculations immobilière et foncière, beaucoup de pressions et d’intérêts occultes. Face à cela, il faut que la puissance publique s’affirme et dispose d’outils.
    J’ajouterai un élément qui me semble intéressant et qui justifie, à lui seul, l’expérimentation, à savoir l’élargissement des motifs de la préemption à la lutte contre la spéculation. Actuellement, cela n’existe nulle part dans le droit national. On pourra motiver une préemption, selon certaines conditions précisées dans la loi, par la seule lutte contre la spéculation. Je suis persuadé que cette disposition se révélera utile et pourra être étendue à tout le territoire national.

    (L’amendement no 15 est adopté.)

    M. le président

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    L’amendement no 16 du rapporteur est rédactionnel.

    (L’amendement no 16, repoussé par le Gouvernement, est adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Bruno Millienne, pour soutenir l’amendement no 32.

    M. Bruno Millienne

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    Assez limpide, il vise à apporter une précision juridique à la définition de l’opération d’aliénation à titre onéreux, afin de rendre la proposition de loi plus efficace.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Jean-Félix Acquaviva, rapporteur

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    La commission a donné un avis défavorable, mais j’y suis favorable à titre personnel. Cette précision sur la définition de l’opération d’aliénation à titre onéreux est très utile.

    (L’amendement no 32, repoussé par le Gouvernement, est adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. François Pupponi, pour soutenir l’amendement no 33.

    M. François Pupponi

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    L’amendement précédent ainsi que le présent amendement sont de M. Mattei qui a beaucoup travaillé sur ce texte et que je salue. Celui-ci ne pouvant être présent aujourd’hui, il nous a demandé de les défendre.
    Il s’agit, pour éviter tout risque d’inconstitutionnalité, de limiter le droit de préemption en l’excluant des cessions intrafamiliales.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Jean-Félix Acquaviva, rapporteur

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    À mon tour, je salue le travail de M. Mattei qui ne peut être présent ce matin. Les exceptions prévues dans le présent amendement s’inspirent de celles qui s’appliquent déjà au droit de préemption exercé par les SAFER. Cela relève, à mon sens, de la gestion du patrimoine au sein des familles et non de la spéculation contre laquelle la proposition de loi entend lutter. Là encore, la commission a repoussé l’amendement mais j’y suis favorable à titre personnel.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Jacqueline Gourault, ministre

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    Je suis défavorable à cet amendement puisque la rédaction proposée est calquée sur le régime du droit de préemption des SAFER et vise à étendre celui-ci au droit de préemption urbain. Or les SAFER ne peuvent pas préempter d’exploitations agricoles familiales, car ces dernières doivent pouvoir se transmettre dans le cercle familial pour garantir la continuité et la durabilité de l’activité.
    L’amendement vise à exempter du droit de préemption des acquisitions effectuées en zone urbaine dans le cercle familial, sans qu’il y ait un motif équivalent à celui prévu pour les exploitations agricoles. Cette différence de régime instaurée spécifiquement pour la continuité des espaces agricoles n’apparaît pas justifiée en milieu urbain. Elle créerait un droit de propriété à deux vitesses et pourrait même bloquer des opérations d’aménagement qui nécessiteraient la préemption d’une zone entière occupée par des propriétaires se trouvant dans des situations différentes.

    M. le président

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    La parole est à M. Bruno Questel.

    M. Bruno Questel

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    Je rappelle que nous nous sommes opposés à cet amendement en commission, même si les diagnostics posés sont à prendre en compte. La ministre vient de rappeler les contingences juridiques et légistiques qui motivent notre rejet ; en effet, l’adoption de l’amendement affecterait une partie des compétences de l’Office foncier de la Corse et créerait de la confusion dans les compétences des SAFER. Le groupe La République en marche est donc défavorable à cet amendement.

    M. le président

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    La parole est à M. François Pupponi.

    M. François Pupponi

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    La proposition de loi vise à doter la collectivité de Corse d’un droit de préemption pour lutter contre la spéculation foncière ; depuis tout à l’heure, on nous explique qu’il n’est pas tout à fait normal d’accepter cette dérogation au droit commun. L’intérêt de cet amendement est précisément de limiter le champ du droit de préemption que le texte donne à la collectivité de Corse ; autrement dit, il va dans le sens de ceux qui nous disent qu’on risque d’ouvrir la boîte de Pandore.
    Pour notre part, nous souhaitons réserver ce droit de préemption à la lutte contre la spéculation foncière. Une vente entre membres d’une même famille n’entre évidemment pas dans le registre de la spéculation foncière – la plupart du temps, ce sont des parents qui vendent un bien à leurs enfants ou le leur transmettent à titre gratuit. Dans ce cas-là, il est normal que la collectivité ne puisse pas préempter.
    Je suis donc étonné que vous soyez opposés à une restriction du champ du droit de préemption. Adopter l’article 1er sans avoir approuvé cet amendement reviendrait à instaurer un droit de préemption très large. Votre raisonnement est un peu contradictoire.

    (L’amendement no 33 est adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 27.

    M. Jean-Félix Acquaviva, rapporteur

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    Il participe de la prise en compte, soulignée par notre collègue Claudia Rouaux, des remarques formulées en commission. Il s’agit de préciser les conditions dans lesquelles le droit de préemption peut être exercé ou délégué.

    (L’amendement no 27, repoussé par le Gouvernement, est adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 17.

    M. Jean-Félix Acquaviva, rapporteur

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    C’est un amendement de précision. L’avis est favorable.

    (L’amendement no 17, repoussé par le Gouvernement, est adopté.)

    M. le président

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    L’amendement no 18 du rapporteur est rédactionnel.

    (L’amendement no 18, repoussé par le Gouvernement, est adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 19.

    M. Jean-Félix Acquaviva, rapporteur

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    C’est un amendement de cohérence, qui vise à supprimer la fin de l’alinéa 3 car la question de la concurrence des droits de préemption est traitée à l’alinéa 4. Avis favorable.

    (L’amendement no 19, repoussé par le Gouvernement, est adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 20.

    M. Jean-Félix Acquaviva, rapporteur

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    Il vise à assouplir les modalités d’appréciation de l’obligation d’affectation du bien. Telle qu’elle était prévue, cette obligation risquait de se révéler trop contraignante pour la collectivité de Corse, de nombreux projets nécessitant beaucoup de temps pour être réalisés. Il est plus pertinent de faire référence à une obligation d’engager, dans un délai de cinq ans, l’opération en vue de l’affectation. Avis favorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Jacqueline Gourault, ministre

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    Il est défavorable, parce que l’important est que l’opération soit achevée.

    (L’amendement no 20 est adopté.)

    (L’article 1er, amendé, est adopté.)

    Article 2

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 21.

    M. Jean-Félix Acquaviva, rapporteur

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    Cet amendement rédactionnel a été repoussé par la commission, mais j’y suis bien évidemment favorable à titre personnel.

    (L’amendement no 21, repoussé par le Gouvernement, est adopté.)

    M. le président

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    L’amendement no 22 de M. le rapporteur est rédactionnel.

    (L’amendement no 22, repoussé par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

    (L’article 2, amendé, est adopté.)

    Après l’article 2

    M. le président

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    Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel après l’article 2.
    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 29, qui fera l’objet d’un sous-amendement.

    M. Jean-Félix Acquaviva, rapporteur

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    Cet amendement vise à adapter les outils fiscaux proposés à la situation particulière de la Corse. L’article 1407 ter du code général des impôts, bien connu, permet déjà à certaines communes de voter une majoration de la taxe d’habitation pour les logements meublés non affectés à la résidence principale. La liste des agglomérations concernées est fixée par le décret du 10 mai 2013. Or, en Corse, seules Bastia et Ajaccio sont visées alors que la spéculation et l’« airbnbsation » concernent d’autres régions, notamment la Balagne et l’extrême Sud. Il y a donc un décalage – qui, au reste, s’observe aussi ailleurs en France.
    De ce fait, nous proposons d’étendre la possibilité de majorer jusqu’à 90 % la taxe d’habitation à toutes les communes de Corse. Je précise par avance que je suis favorable au sous-amendement de M. Colombani.

    M. le président

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    La parole est à M. Paul-André Colombani, pour soutenir le sous-amendement no 54.

    M. Paul-André Colombani

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    Il vise à porter de 5 % à 20 % le taux minimum de majoration.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Jacqueline Gourault, ministre

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    Défavorable au sous-amendement et à l’amendement.

    M. le président

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    La parole est à M. Bruno Questel.

    M. Bruno Questel

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    Sur tous les amendements portant article additionnel après l’article 2, le groupe La République en marche a un avis plus que réservé et ne participera pas aux votes.

    M. le président

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    La parole est à Mme Sylvia Pinel.

    Mme Sylvia Pinel

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    Au-delà des spécificités de la Corse, qu’a rappelées le rapporteur et qui reviennent régulièrement dans nos débats, il est important de revoir le zonage consistant à distinguer les zones tendues – en l’occurrence, en Corse, les aires urbaines d’Ajaccio et de Bastia – appliquant la taxe d’habitation sur les logements vacants, ce qui oblige à prendre d’autres mesures. En effet, ce zonage commence à dater alors que les tensions du marché ont beaucoup évolué.
    Cette demande a été formulée ici même, lundi soir, lors du débat sur le mal-logement. Il existe dans notre politique de logement de nombreux zonages désormais obsolètes, parce qu’ils ne reflètent plus les réalités du marché. Si nous voulons obtenir des résultats, il faut envisager la situation de manière globale, avec les amendements proposés par nos collègues mais aussi en utilisant des outils qui sont à la main de l’exécutif.

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre.

    Mme Jacqueline Gourault, ministre

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    Vous avez raison, madame Pinel. C’est pourquoi nous avons lancé la mission contre l’attrition des résidences principales dans les zones touristiques en Corse et dans tout le territoire national. Je tiens à votre disposition la lettre portant sa création.

    (Le sous-amendement no 54 est adopté.)

    (L’amendement no 29, sous-amendé, est adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Bruno Millienne, pour soutenir l’amendement no 10, qui fait l’objet de trois sous-amendements du rapporteur.

    M. Bruno Millienne

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    Cet amendement déposé à l’initiative de Jean-Paul Mattei, malheureusement empêché, vise à élargir le champ d’application de la taxe forfaitaire sur la cession à titre onéreux de biens immobiliers afin qu’il couvre tous les types de montages financiers et immobiliers concernant des biens situés en Corse. L’objectif, là encore, est de lutter contre la spéculation financière.

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir les sous-amendements nos 53, 48 et 49, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée, et pour donner son avis sur l’amendement.

    M. Jean-Félix Acquaviva, rapporteur

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    Je donne un avis favorable à cette proposition conçue avec l’aide de Jean-Paul Mattei. Il s’agit d’ouvrir une réflexion sur la taxation des plus-values immobilières – la spéculation étant un sujet qui intéresse évidemment d’autres territoires que la Corse.
    En l’espèce, il est important d’insérer ce dispositif dans la proposition de loi parce qu’il permet de lutter contre la spéculation en frappant là où ça fait mal, sachant que les zones où s’appliquera la taxe forfaitaire seront définies par un décret en Conseil d’État.
    Je propose par le sous-amendement no 53 de porter le taux de la taxe à 10 %, puisqu’il s’agit de plus-values immobilières, et par le sous-amendement no 48 d’en affecter le produit à la collectivité de Corse. Enfin, le sous-amendement no 49 vise à permettre l’exonération de la taxe en fonction de critères sociaux, sur le modèle de la disposition adoptée à l’article 2.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement et les sous-amendements ?

    Mme Jacqueline Gourault, ministre

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    L’amendement crée une différence de traitement entre contribuables, qui l’expose à un risque évident de censure constitutionnelle. Défavorable.

    M. le président

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    La parole est à M. François Pupponi.

    M. François Pupponi

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    En effet, ce risque existe. Mais il existe aussi une inégalité de traitement, comme je l’expliquais plus tôt. J’ai alors omis de préciser que le fameux crédit d’impôt para-hôtelier, qui permettait à un investisseur de faire financer par l’État 30 % d’une résidence secondaire, donnait lieu à une exonération de taxe sur la plus-value si le bien était loué – en concurrençant donc l’économie réelle – pendant cinq ans. Autrement dit, non seulement l’argent public paie la construction d’une résidence secondaire d’un investisseur mais, lorsque celui-ci la revend, il réalise une énorme plus-value sans être taxé ! Là est la discrimination.
    L’objectif de la taxe forfaitaire proposée est de rétablir de la justice. Il n’y a aucune raison pour qu’une personne ayant bénéficié d’un crédit d’impôt, c’est-à-dire de fonds publics, pour construire sa résidence secondaire ne paie pas d’impôt à la revente.

    M. Bruno Millienne

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à M. Paul-André Colombani.

    M. Paul-André Colombani

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    De quoi parle-t-on ? François Pupponi vient de le rappeler : à leur arrivée dans l’île, certaines personnes ont bénéficié du crédit d’impôt para-hôtelier. Ce sont vos impôts, mes impôts, qui leur ont donné un abattement fiscal de 30 % ; il me semble donc normal – et surtout moral – que quelques années plus tard, la revente du bien soit taxée. On ne saurait percevoir un gain à l’entrée et un autre à la sortie.
    J’aurais certes préféré que l’amendement soit rédigé différemment, en plafonnant la taxe à 30 % pour laisser aux maires la liberté de l’ajuster, mais il me sied tout de même.

    (Les sous-amendements nos 53, 48 et 49, successivement mis aux voix, sont adoptés.)

    (L’amendement no 10, sous-amendé, est adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 28.

    M. Jean-Félix Acquaviva, rapporteur

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    Il vise à ouvrir la réflexion sur l’affectation à la collectivité de Corse de la part territoriale de la taxe d’aménagement, selon ce qui se pratique déjà en faveur de la région Île-de-France, et qui se justifie du fait de son potentiel économique. La collectivité de Corse a déjà hérité des parts départementales, plafonnées à 2,5 %, mais il nous semble important d’y ajouter une part territoriale dont le taux ne pourrait excéder 1 % et pourrait varier selon les communes. C’est un outil nécessaire qui permettra à la collectivité de percevoir des recettes élevées. Nous assortissons naturellement cette mesure d’exonérations liées au logement social, notamment. On mettra ainsi en cohérence la perception de la fiscalité sur l’activité spéculative et son affectation effective pour réguler le système.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Jacqueline Gourault, ministre

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    Je rappelle que la taxe d’aménagement a été conçue, comme son nom l’indique, comme un instrument de la politique d’aménagement à la main des collectivités territoriales. Elle n’est donc pas une source de financement d’opérations de préemption. En effet, les parts communale, intercommunale et régionale servent à financer des équipements publics rendus nécessaires par l’urbanisation ; quant à la part départementale, elle finance la politique de protection des espaces naturels sensibles et les dépenses de fonctionnement des conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE).
    L’instauration de cette nouvelle part réduirait les crédits consacrés à l’aménagement, aux infrastructures et à la renaturation. La collectivité de Corse bénéficie d’ores et déjà de la part départementale de la taxe, dont elle peut moduler le taux jusqu’à 2,5 %, conformément au code de l’urbanisme. La création d’une part supplémentaire à son seul profit n’est donc pas justifiée vis-à-vis des autres collectivités territoriales. Avis défavorable.

    M. le président

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    La parole est à M. Bruno Questel.

    M. Bruno Questel

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    Permettez-moi d’apporter un élément supplémentaire à la réflexion de l’Assemblée sur cette question. La Corse est dotée d’un statut spécifique depuis l’ordonnance Baylet adossée à la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, la loi NOTRE, et ce statut s’applique depuis le 1er décembre 2018. Je vous rappelle qu’il a entraîné la fusion des deux départements corses avec la région, d’où est issue la collectivité territoriale qui exerce désormais sa pleine compétence.
    Je crois, madame la ministre, qu’il faudra appréhender toutes les conséquences de la loi NOTRE et surtout de l’ordonnance Baylet, telles que nous les avons évaluées il y a trois ans environ avec Raphaël Schellenberger dans le cadre de la mission d’évaluation de ladite loi. L’ordonnance relative aux compétences de la collectivité territoriale de Corse comporte en effet plusieurs trous dans la raquette. Certaines imperfections ont déjà été corrigées avec votre appui lors de l’examen du projet de loi 3DS, mais beaucoup reste à faire.

    (L’amendement no 28 est adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Paul-André Colombani, pour soutenir les amendements nos 44 et 46, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

    M. Paul-André Colombani

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    Je les retire.

    (Les amendements nos 44 et 46 sont retirés ; en conséquence, les sous-amendements nos 51 et 52 deviennent sans objet.)

    Article 3

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 23.

    M. Jean-Félix Acquaviva, rapporteur

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    C’est un amendement de précision. L’article 3 vise notamment à exclure du champ du PADDUC les centres commerciaux visés au I de l’article L. 752-3 du code de commerce.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Jacqueline Gourault, ministre

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    Avis défavorable. Votre amendement m’offre l’occasion d’indiquer clairement que l’article 3 présente des difficultés importantes. Le seul fait que le PADDUC définisse des secteurs dans lesquels les communes ne pourront plus, par des PLU ou par des permis de construire, autoriser la construction de centres commerciaux ou de projets d’hébergement touristique revient précisément à enfreindre le principe de non-tutelle d’une collectivité sur une autre. Le PADDUC empêche les communes d’user de leur compétence. Il ne peut réglementer ce point sans s’exposer à un fort risque de censure par le juge.

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Jean-Félix Acquaviva, rapporteur

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    Je reviens sur l’argument selon lequel cet article porterait atteinte au principe de libre administration des collectivités. Si l’on suit le raisonnement qui vient d’être exposé, il faut en conclure que le PADDUC lui-même porterait généralement atteinte à ce principe. L’article 3 est pourtant explicite : « dans le respect de la libre administration des communes ».
    Rappelons que le PADDUC peut définir des espaces stratégiques – il en existe déjà dans le domaine agricole. Et je vous rassure, au cas où la majorité aurait à se saisir de cette question si elle était reconduite après les élections : nous créerons d’autres espaces stratégiques, avec lesquels – puisqu’il est question de volontarisme local, et nous en avons ! les PLU devront être compatibles. En clair, les PADDUC peuvent définir des secteurs en fonction de l’usage et de la destination des sols, en vertu de l’article L. 4424-9 du CGCT. La compatibilité entre le PADDUC et les PLU est même prévue depuis la loi ELAN, qui complète la loi « littoral » et la loi « montagne » en précisant notamment la délimitation des secteurs où s’appliquent l’une et l’autre en fonction de la distance avec le rivage.
    C’est dans cet esprit que l’article 3 a été rédigé. Le débat se poursuivra mais je le répète : il n’y a aucune atteinte au principe de libre administration des collectivités locales. L’argument de l’inconstitutionnalité est souvent vendu à tort et à travers, ce que je regrette.

    M. le président

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    La parole est à M. Bruno Questel.

    M. Bruno Questel

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    Lors de l’examen initial du texte en commission puis des amendements déposés au titre de l’article 88, le groupe La République en marche a voté en faveur de cet amendement et de l’article 3, qui répondent à une véritable nécessité de bonne administration de la collectivité de Corse.

    M. le président

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    La parole est à M. François Pupponi.

    M. François Pupponi

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    L’argument de Mme la ministre m’étonne. Comme l’a dit le rapporteur, le code de l’urbanisme repose sur le principe selon lequel tous les documents supérieurs au PLU le contraignent ; c’est le cas des schémas de cohérence territoriale (SCOT) et des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET), par exemple. C’est aussi le cas du schéma directeur de la région Île-de-France (SDRIF), qui fige des territoires selon une délimitation à laquelle la commune ne peut déroger dans son PLU. Encore une fois, tous ces documents d’urbanisme constituent une pyramide, chaque étage étant assujetti à l’étage supérieur.
    Le PADDUC fait couler beaucoup d’encre en Corse parce qu’il définit les fameux ESA – espaces stratégiques agricoles. Dans certaines communes, il a figé des espaces agricoles dans lesquels elles n’ont pas le droit de construire. Avec l’article 3, il est vrai qu’on renforce la contrainte, mais la règle existe déjà ! Les documents d’urbanisme de niveau supérieur s’imposent aux PLU, donc aux communes.

    (L’amendement no 23 est adopté.)

    (L’article 3, amendé, est adopté.)

    Après l’article 3

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 30 portant article additionnel après l’article 3.

    M. Jean-Félix Acquaviva, rapporteur

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    C’est un amendement central pour la proposition de loi. Il concerne la Corse mais il devrait, je n’en doute pas – c’est aussi l’objet de ce texte –, intéresser d’autres territoires.
    Il s’agit d’amender le premier alinéa de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitat pour élargir le régime de l’autorisation préalable, prévu pour les communes de plus de 200 000 habitants, à l’ensemble de la Corse. Cela permettrait de réguler le phénomène d’« airbnbsation », la location saisonnière étant un des facteurs de la rentabilité hors normes des résidences secondaires.
    Comme l’ont déjà souligné plusieurs collègues, dont François Pupponi, le cumul d’une fiscalité détournée, de la rentabilité élevée des locations saisonnières et, au moment des cessions, de l’exonération d’impôt sur la plus-value immobilière crée les conditions d’un jackpot, une logique de casino. Cette augmentation de la valeur spéculative ne correspond ni à la créativité, ni au travail, ni aux capacités entrepreneuriales des propriétaires, et encore moins au service des biens, mais simplement à l’exacerbation de la demande et à la financiarisation des placements fonciers, qui créent une fracture. En effet, le foncier est un actif fixe et rare en situation insulaire. Pour juguler ce phénomène, il est essentiel d’étendre aux communes corses le régime de l’autorisation préalable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Jacqueline Gourault, ministre

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    Défavorable. L’amendement est satisfait. Il ne faut pas imposer cette mesure qui peut s’avérer lourde et coûteuse pour les petites communes.

    (L’amendement no 30 est adopté.)

    Article 4

    M. le président

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    La parole est à M. François Pupponi.

    M. François Pupponi

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    Nous déciderons de la position définitive du groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés à l’issue du débat, mais je souhaite vous faire part de ma position personnelle sur l’article 4.
    Oui, madame la ministre, vous avez raison : l’article voté dans le cadre de la loi 3DS risque certainement de s’avérer inconstitutionnel. Mais ne devrait-on pas prendre ce risque politique et juridique pour envoyer un message aux Corses, qui ont, à trois reprises, voté en faveur de l’autonomie ? (M. Jean Lassalle applaudit.) Trois fois de suite, ils ont élu une assemblée à majorité autonomiste, affirmant ainsi leur attachement à ce projet. Il y a plus de cinquante ans, des élus et des personnalités corses avaient réclamé l’autonomie, y voyant la seule solution pour sortir l’île de l’ornière où elle se trouvait. Or, depuis cinquante ans, les choses n’ont fait que s’aggraver dans les domaines économique, social et autres.
    L’idée de l’article est d’accepter le risque de conduire une expérimentation permettant à la Corse de prendre le chemin de l’autonomie. Il faut montrer aux Corses que l’Assemblée nationale y est favorable, que c’est la voie de la réussite et du développement de la Corse. L’affirmer aujourd’hui aurait une portée symbolique forte.
    J’espère qu’aucun groupe ne saisira le Conseil constitutionnel, et que celui-ci n’aura donc pas à se prononcer sur ce texte. Nous risquons, certes, une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), mais sous la précédente législature, nous avions bien accepté ce risque pour la proposition de loi de notre collègue Camille de Rocca Serra sur les droits de succession. Cette proposition de loi était sûrement inconstitutionnelle, mais l’Assemblée l’a votée quasiment à l’unanimité, pour permettre à la Corse de bénéficier d’un régime dérogatoire. L’Assemblée nationale s’honorerait de dire aux Corses qui ont voté : nous avons entendu votre message et nous ouvrons à l’île le chemin de l’autonomie, pour lui permettre de sortir des difficultés qu’elle subit depuis trop d’années. (M. Jean Lassalle applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Coquerel.

    M. Éric Coquerel

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    Je voudrais expliquer pourquoi le groupe La France insoumise s’abstiendra sur cet article – ce qui ne nous empêchera pas de voter en faveur du texte. Notre choix se fonde sur les raisons qui ont été mentionnées par François Pupponi, mais aussi sur l’exposé des motifs de la proposition de loi. Celui-ci affirme clairement qu’au-delà de la lutte contre la spéculation immobilière, il s’agit d’envoyer un signe sur l’évolution institutionnelle de la Corse en matière d’autonomie et de tenir compte des résultats des suffrages en Corse qui, élection après élection, donnent jusqu’à 70 % des votes pour l’autonomie.
    En pleine campagne présidentielle, il faut considérer la position de chacun des candidats sur l’avenir de la Corse. Nous préférons, pour notre part, intégrer la Corse à l’article 74 de la Constitution plutôt que de passer par l’article 72, ce qui aurait pour défaut de bouleverser les fondements de l’organisation territoriale globale du pays. Emmanuel Macron s’y était d’ailleurs engagé, mais n’en a finalement rien fait – restant comme à son habitude au stade des promesses. Le rapporteur Acquaviva le sait : nous estimons qu’il faut faire avancer la situation à travers l’article 74, voire à travers une réflexion sur la Constitution, qui permettrait d’atteindre les mêmes objectifs, mais pas à travers l’article 72. Cela ne nous empêchera pas de voter pour la proposition de loi, mais cela nous amènera à nous abstenir sur l’article 4.
    Je note d’ailleurs que, sans doute à cause du risque d’inconstitutionnalité, le texte propose, à l’article L. 4422-16 du code général des collectivités territoriales, de passer de la formulation « l’Assemblée de Corse peut présenter des propositions » à « elle peut demander au Gouvernement que le législateur lui ouvre la possibilité de procéder à des expérimentations ». On en reste donc à des demandes de la Corse sans obligation de réponse de la part du Gouvernement, ce qui est assez modéré.

    M. le président

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    La parole est à M. Bruno Questel.

    M. Bruno Questel

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    Depuis quarante ans, dans le cadre du processus de décentralisation conduit dans les années 1980, 1990 et 2000, la Corse a été dotée d’un statut spécifique ; je me souviens que dans les cours de droit public, à l’université, on parlait souvent de l’île comme d’un laboratoire d’essais institutionnels. Le dispositif proposé à l’article 4, s’il est soumis au Conseil constitutionnel, risque en effet d’être jugé contraire à la Constitution. Nous l’avions adopté en première lecture de la loi 3DS pour envoyer un message à la population corse qui, par trois fois, s’est clairement exprimée sur les orientations qu’elle souhaitait donner à son territoire – même si ceux qui s’intéressent à la Corse savent que les choses sont un peu plus compliquées que ce qu’un scrutin pourrait laisser croire.
    Au-delà de son caractère probablement inconstitutionnel, le dispositif proposé a le mérite de poser un débat important, celui sur le droit à l’expérimentation. La présente proposition de loi corrige un problème que nous avions identifié dans le cadre de l’examen de la loi 3DS, lors des travaux en commission comme dans les échanges que nous avions eus avec les associations d’élus : l’exécutif devra désormais rendre compte annuellement de la réponse qu’il apportera aux demandes de spécificités législatives ou réglementaires formulées par l’Assemblée de Corse.
    Le groupe La République en marche s’abstiendra sur cet article, uniquement à cause du risque d’inconstitutionnalité du dispositif.

    M. le président

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    La parole est à M. Paul-André Colombani.

    M. Paul-André Colombani

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    Ce texte marche en effet sur un chemin de crête, à la limite de la Constitution. M. Pupponi l’a dit : si le texte n’est pas attaqué au Conseil constitutionnel, un chemin peut s’ouvrir. Pourquoi ne pas donner un peu d’espoir au peuple corse qui a voté, à trois reprises, en faveur de l’autonomie ? La décision est entre vos mains. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LT.)

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Jean-Félix Acquaviva, rapporteur

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    Nous sommes au cœur du débat constitutionnel. L’article avait été censuré lorsqu’il avait été intégré à la loi portant statut de la collectivité territoriale de Corse du 22 janvier 2002, mais il faut relativiser les critiques en inconstitutionnalité. La Corse fait partie des territoires à statut particulier, celui-ci lui permettant de bénéficier d’une procédure particulière : après une délibération motivée, l’Assemblée de Corse peut formuler une demande d’expérimentation, le Gouvernement et le Parlement décidant de donner ou non corps à cette dernière. Le Parlement prenant sa décision par un vote, il n’y a aucun transfert du pouvoir législatif au profit de la collectivité de Corse. Ce serait l’autonomie – que nous appelons de nos vœux – qui le permettrait, mais il faut pour cela une réforme constitutionnelle. Après évaluation du rapport, l’expérimentation sera soit étendue, soit généralisée et éventuellement différenciée, selon la décision du Parlement et du Gouvernement saisis par la collectivité. Rassurez-vous donc : le pouvoir législatif reste entre les mains du Parlement.
    La seule nouveauté qu’introduit ce dispositif, c’est d’obliger le Parlement et le Gouvernement à respecter une règle de politesse en répondant aux demandes de la Corse. En effet, le fameux droit de demander – dumandà hè legge, dit-on en Corse, comme l’a rappelé un collègue, « demander c’est la loi » – a été largement utilisé : depuis 2002, nous avons déposé soixante-dix demandes. Il y a eu des majorités de droite et de gauche, puis le quinquennat actuel, mais pas une demande n’a fait l’objet d’une réponse. Cela prouve le peu d’intérêt qu’on accorde aux souhaits des collectivités territoriales, surtout quand on connaît les débats en Corse. Pourtant, il s’en est passé des choses, en Corse, en matière politique !

    M. Alexis Corbière

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    C’est vrai.

    M. Jean-Félix Acquaviva, rapporteur

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    La procédure proposée dans le texte permet simplement de codifier l’obligation de réponse.
    Nous n’adhérons pas du tout à l’argument du risque d’inconstitutionnalité. D’une part, qui irait poser une QPC ? Cela voudrait dire qu’on peut poser des QPC sur les taxes que la collectivité de Corse perçoit depuis 1991 et 2002, par exemple sur les carburants ou les transports, puisque ces taxes, proportionnelles à l’activité, sont totalement spécifiques par rapport aux régions de droit commun. On pourrait aller jusqu’à une QPC sur l’actuel statut de la Corse, élaboré entre 1991 et 2002. On surestime le risque de QPC. D’autre part, on préempte la décision du Conseil constitutionnel, alors que son arbitrage, depuis la loi organique de 2003 relative à l’expérimentation par les collectivités territoriales, pourrait être favorable, surtout vu le contexte.
    La réponse est une affaire de volonté politique. Nous sommes pour l’autonomie de la Corse et donc pour une réforme constitutionnelle, mais malgré le triple vote de la communauté corse, à 70 % des voix, en faveur de ce projet, on n’est pas certain de voir la réforme constitutionnelle arriver. C’est un problème démocratique et donc politique. Non seulement une telle réforme est soumise à la règle des trois cinquièmes, mais rien ne garantit qu’elle verra le jour sous le prochain mandat. Il faut donc cheminer pour mordre sur les réalités de terrain, grâce à une adaptation législative et réglementaire.

    M. le président

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    Je vous propose de garder la parole, monsieur le rapporteur, pour soutenir les amendements de précision nos 24 et 25, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

    M. Jean-Félix Acquaviva, rapporteur

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    L’Assemblée de Corse tient chaque année deux sessions ordinaires, donc il convient, à l’alinéa 6, d’insérer les mots « de février » après le mot « ordinaire ». À la fin de l’alinéa 11, il faut substituer aux mots « procédé à leur adoption ou modification » les mots « adopté de loi conduisant à leur modification ou à leur pérennisation ». La commission est défavorable à ces deux amendements de précision, mais j’y suis évidemment favorable à titre personnel.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Jacqueline Gourault, ministre

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    Je suis prête à donner tous les signes qu’il faut. J’entends certains députés prétendre que rien n’est jamais fait ; cependant, je rappelle que j’ai défendu moi-même la loi organique du 19 avril 2021 relative à la simplification des expérimentations locales, qui répond à la demande de simplification exprimée par l’article 4.
    S’agissant du suivi des propositions formulées par les collectivités, la loi 3DS nous a fait avancer sur la question, même si vous trouvez que ce n’est pas suffisant. En effet, elle oblige le Gouvernement à répondre aux demandes des collectivités territoriales.

    (Les amendements nos 24 et 25 sont successivement adoptés.)

    (L’article 4, amendé, est adopté.)

    Article 5

    (L’article 5 est adopté.)

    Après l’article 5

    M. le président

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    La parole est à M. Paul-André Colombani, pour soutenir l’amendement no 47.

    M. Paul-André Colombani

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    Il est largement satisfait par l’adoption des amendements précédents : je le retire.

    (L’amendement no 47 est retiré ; en conséquence, le sous-amendement no 50 tombe.)

    Titre

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement no 26, qui est de nature rédactionnelle.

    M. Jean-Félix Acquaviva, rapporteur

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    Il s’agit en effet de substituer aux mots « le phénomène de » le mot « les ».

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    Mme Jacqueline Gourault, ministre

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    Je ne voudrais pas contrarier les droits d’auteur de M. Acquaviva. (Rires sur les bancs du groupe LT.)

    M. le président

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    En règle générale, on ne contrarie pas M. Acquaviva. (Sourires.)

    (L’amendement no 26 est adopté.)

    Explications de vote

    M. le président

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    Dans les explications de vote sur l’ensemble de la proposition de loi, la parole est à M. Bruno Millienne.

    M. François Pupponi

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    Il y a « Millenni » qui veut parler ! (Sourires.)

    M. Bruno Millienne (Dem)

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    Je serai très bref. Je souhaitais m’exprimer à la fin du débat en tant que pinzutu, monsieur Acquaviva. Cela fait vingt ans que vous m’avez fait découvrir votre île, qui est sûrement la plus belle île du patrimoine français. (Exclamations sur divers bancs.) Je le dis sans aucun problème : chacun a ses préférences, la mienne va à la Corse !
    Je voulais simplement vous dire qu’au-delà des problèmes techniques, voire des problèmes de constitutionnalité que nous avons abordés, en tant que pinzutu, je suis très fier de voter cette loi, et d’offrir peut-être au peuple corse un chemin plus facile vers un avenir plus radieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe LT.)

    M. le président

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    La parole est à M. Paul-André Colombani.

    M. Paul-André Colombani (LT)

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    Je souhaite simplement remercier l’ensemble des collègues qui ont su entendre le problème, exposé ce matin par notre rapporteur Jean-Félix Acquaviva, de la spéculation foncière et du logement en Corse, et l’urgence qu’il y avait à agir.
    En 2017, au moment où nous avons présenté nos candidatures, beaucoup de gens – y compris de chez nous – étaient sceptiques sur notre place au sein du Parlement. Aujourd’hui, j’ai entendu de nombreuses paroles bienveillantes à l’égard de la Corse : je vous en remercie tous. (Applaudissements sur les bancs des groupes LT, Dem et UDI-I, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. Bruno Questel.

    M. Bruno Questel (LaREM)

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    Comme il l’avait fait en commission des lois, le groupe La République en marche votera en faveur de la proposition de loi. Elle est essentielle pour que de nouvelles relations s’instaurent entre une île qui fait partie de la République et le reste du territoire national, mais aussi pour l’intérêt général de la Corse, qui mérite que ses spécificités soient pleinement prises en compte dans l’élaboration de la loi, qu’elle soit ordinaire ou constitutionnelle. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Dem, LT et UDI-I.)

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Coquerel.

    M. Éric Coquerel (FI)

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    Il ne s’agit pas que de spécificités : ce sont bien des problèmes éminemment politiques qui sont posés. Les questions posées par la Corse ne sont pas uniquement liées à sa position géographique d’île de la Méditerranée. Sont également en jeu des questions historiques et politiques, ainsi que la prise en compte, comme je l’ai dit tout à l’heure, de la souveraineté populaire qui s’est exprimée à travers plusieurs scrutins.
    Je ne sais pas ce qu’il va advenir de la loi que nous allons sans doute voter à l’unanimité aujourd’hui, puisque nous arrivons en fin de quinquennat et qu’il reste trop peu de temps pour mener à bien la navette parlementaire. J’observe tout de même que depuis cinq ans, il y avait largement matière à faire évoluer la question de l’autonomie de la Corse.

    M. Bruno Millienne

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    C’est vrai !

    M. Éric Coquerel

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    Cela n’a pas été fait. En matière de logement social, M. Macron estime que la majorité actuelle n’a pas fait grand-chose – ce qui est vrai – et qu’il faudra agir. De la même manière, je note que certains collègues de la majorité estiment qu’il sera nécessaire de s’occuper de la Corse à l’avenir. Pour ma part, je souhaite qu’il y ait, à l’avenir, une majorité dans cette assemblée qui permette non seulement d’avancer réellement sur la question du logement de manière globale – le problème, c’est que les gens ont de plus en plus de difficulté à se loger, on vient d’en parler pour la Corse –, mais aussi de faire avancer le statut d’autonomie de la Corse. Nous avons exprimé nos préférences, et c’est ce que je peux souhaiter pour le quinquennat à venir. C’est ce que nous défendrons avec Jean-Luc Mélenchon.

    M. Alexis Corbière

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    Bravo !

    M. le président

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    La parole est à M. Stéphane Peu.

    M. Stéphane Peu (GDR)

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    Ce n’est pas la première fois que nous discutons de ce sujet, et je tenais à rendre hommage à Jean-Félix Acquaviva pour son opiniâtreté : sa proposition de loi va finalement être votée, et c’est une excellente chose.
    Bien évidemment, il y a des spécificités propres à la Corse – personne ne le nie. Cependant, la question de la spéculation foncière se pose plus largement, avec des acuités différentes, sur tout le territoire national. Si l’expérimentation que nous allons voter pour lutter contre la spéculation foncière en Corse pouvait demain être généralisée à l’ensemble du territoire national, ce serait un plus grand pas encore.

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Gomès.

    M. Philippe Gomès (UDI-I)

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    Affirmer l’identité des territoires de la République, leur permettre de gérer leurs spécificités, de se renforcer avec leur propre identité et leur propre culture, ce n’est pas affaiblir la République, c’est la renforcer. Pour ces raisons, sur ce dossier particulier, nous soutiendrons la proposition de loi qui a été examinée. Nous la voterons, et je tiens à exprimer mes remerciements les plus sincères aux parlementaires corses qui ont su dire, avec beaucoup de talent, l’amour de leur pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I et LT, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. M’jid El Guerrab.

    M. M’jid El Guerrab (Agir ens)

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    Quand nos trois amis corses du groupe Libertés et territoires sont arrivés dans cette assemblée, il y avait, comme l’a dit Paul-André Colombani, beaucoup de préjugés et des choses assez dures avaient été dites à leur encontre. Il y avait beaucoup de méfiance, mais nous avons appris à travailler ensemble. Aujourd’hui, on voit que l’ensemble de l’hémicycle est convaincu. Nos amis corses ont réussi à conquérir nos cœurs. (Exclamations et sourires sur les bancs du groupe LT.)
    Je suis vraiment fier d’avoir participé à cet échange, qui permet d’ouvrir une porte pour la Corse mais aussi, comme je le disais à ma collègue Maina Sage, pour l’ensemble des spécificités territoriales. On ne peut pas traiter les littoraux comme les montagnes, ni les montagnes comme les grands centres urbains. La voie qui est ouverte me semble être positive pour la République et pour nos territoires. (Applaudissements sur les bancs des groupes Agir ens et LT.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Claudia Rouaux.

    Mme Claudia Rouaux (SOC)

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    Il aurait été dommage que le groupe Socialistes et apparentés ne se prononce pas. Je tiens à vous remercier : les échanges ont été passionnants et j’ai beaucoup appris. La Corse et la Bretagne ont un point commun : elles rencontrent quasiment les mêmes difficultés. Je crois beaucoup en cette expérimentation pour la Corse, qui pourra être un test grandeur nature pour que demain, en Bretagne, mais aussi sur tout le littoral français ou en montagne, on puisse faire évoluer les choses. Merci pour cette belle matinée consacrée à la Corse. C’est vrai que vous avez une belle île, mais nous aussi, nous en avons une : Belle-Île-en-Mer. (Applaudissements sur les bancs du groupe LT.)

    Vote sur l’ensemble

    M. le président

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    Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

    (La proposition de loi est adoptée.)
    (Applaudissements sur de nombreux bancs.)

    M. le président

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    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Jean-Félix Acquaviva, rapporteur

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    Du fond du cœur, je vous remercie. Au-delà du vote de cette proposition de loi, qui aura encore un long chemin à faire, nous le savons tous : la démocratie, la politique, c’est un combat. Ce qui compte, c’est de lui donner un sens et de défendre l’intérêt général. On peut faire des erreurs, on peut techniquement avancer, mais ce qui est important, c’est d’être au cœur du sujet et d’agir sur une réalité qui est vécue comme oppressante concernant la question de la terre et du foncier. C’est vrai pour la Corse, mais cela l’est également ailleurs – et nos réflexions devront nous aider à agir plus largement.
    Comme cela a été dit sur différents bancs, il s’agit, par cet acte politique et démocratique symbolique, de commencer à converger, pour donner matière à une réconciliation. Non pas qu’il n’y avait pas d’amitié entre nous, mais je parle évidemment d’un vieux problème politique et historique entre la République et la Corse qui n’est pas totalement réglé à ce jour. Il y a encore beaucoup de plaies ouvertes, et le foncier et la terre constituent l’une d’entre elles. Voilà pourquoi prendre le sujet à bras-le-corps, en cheminant, en se cherchant, en se convainquant, en amendant, est un élément de réponse. Cela montre qu’un compromis politique et historique est possible sur cette question : ce n’est pas « circulez, il n’y a rien à voir ». Oui, il faut rentrer dans le sujet ; oui, il faut le résoudre ; oui, il faut donner à la Corse la capacité de répondre aux aspirations historiques et démocratiques des insulaires.
    Notre débat d’aujourd’hui doit nous amener à considérer que ce qui est plus fort que tout, c’est la démocratie, parce qu’une république sans démocratie ne vaut rien. Le préalable à la République et aux valeurs de la République – et c’est cela qui nous agrée –, c’est le respect de la démocratie. Elle s’est exprimée en Corse comme elle s’exprime aujourd’hui. Les solutions doivent découler de cette dimension démocratique ; c’est ce que nous appelons de nos vœux.
    Je remercie évidemment tous les groupes, de même que madame la ministre pour ses mots dans l’échange contradictoire que nous avons eu. Nous voudrions que le dialogue continue avec l’exécutif. Je peux dire que l’opiniâtreté dont nous avons collectivement fait preuve – pas uniquement moi – sur cette question persistera, puisque nous avons la possibilité de l’inscrire à l’ordre du jour du Sénat grâce aux sénateurs issus de notre mouvance. Nous continuerons, mais en espérant que le compromis politique et historique avec l’exécutif naisse enfin, et soit au niveau attendu par les Corses, toujours au service de l’intérêt général. (Applaudissements sur les bancs des groupes LT et SOC, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre.

    Mme Jacqueline Gourault, ministre

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    Merci à tous pour ce débat utile. Je voudrais revenir sur trois points. Tout d’abord, le logement social est un sujet très important dans notre pays, et particulièrement pour la Corse, puisqu’on sait que la proportion de logement social n’y est pas suffisante. J’espère donc, monsieur Coquerel, que vous serez présent mardi prochain dans l’hémicycle pour voter la loi 3DS, ce qui vous permettra de soutenir le prolongement de la loi SRU que ce gouvernement, et notamment la ministre déléguée Emmanuelle Wargon, a défendu. Sinon, comme vous le savez, la loi SRU devrait s’arrêter en 2025. Je vous remercie donc par avance du soutien que vous pourrez apporter au Gouvernement…

    M. Éric Coquerel

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    Vous m’avez mal entendu ! C’est une blague !

    Mme Jacqueline Gourault, ministre

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    …en faveur du logement social. Ensuite, comme je l’ai rappelé tout à l’heure, ce gouvernement est celui qui a inscrit dans une loi organique le droit à l’expérimentation. En outre, nous reconnaissons et nous institutionnalisons, notamment avec la loi 3DS, le droit à la différenciation. Le Gouvernement chemine donc afin d’apporter les solutions que vous recherchez, mais toujours en respectant le cadre constitutionnel.
    Beaucoup font référence à la Constitution de la Ve République, due au général de Gaulle, et je vois même qu’un certain nombre de candidats font référence en permanence au général de Gaulle. Je le dis très simplement : le principe, quand on est au Gouvernement, c’est le respect de la Constitution.
    Enfin, je remercie tout le monde – les Bretons, madame Rouaux, les Corses, et tous les députés ici présents, de toutes les régions françaises.

    M. Alexis Corbière

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    Il n’y a que des citoyens, dans la République française !

    Mme Jacqueline Gourault, ministre

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    La Corse, la Bretagne et d’autres régions font partie de la richesse de la République française. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LT.)

    M. le président

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    Chers collègues, je vous propose une brève suspension de séance avant de poursuivre notre ordre du jour.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à onze heures trente, est reprise à onze heures quarante.)

    M. le président

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    La séance est reprise.

    2. Respect éthique du don d’organes

    Discussion d’une proposition de loi

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à garantir le respect éthique du don d’organes par nos partenaires non européens (nos 3316, 4037).

    Présentation

    M. le président

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    La parole est à Mme Frédérique Dumas, rapporteure de la commission des affaires sociales.

    Mme Frédérique Dumas, rapporteure de la commission des affaires sociales

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    « Le trafic d’organes est une pratique d’une extrême gravité. Cette pratique inhumaine bafoue des principes fondamentaux de notre droit comme de notre modèle démocratique : la dignité humaine et le principe de non-patrimonialité du corps humain. » Ce sont les mots du ministre Franck Riester lors de la ratification de la Convention de Compostelle sur le trafic d’organes.
    Après les mots, il faut des actes. L’objet de cette proposition de loi déposée en septembre 2020 et cosignée par près de soixante-dix députés est donc de garantir le respect de nos principes éthiques par nos partenaires non européens, d’obliger nos hôpitaux publics et privés et nos centres de recherche à un devoir de vigilance effectif et concret. Signer des accords internationaux, les ratifier, écrire dans nos conventions de coopération bilatérales que les pays avec lesquels nous contractons doivent être en conformité avec nos principes, c’est essentiel, mais tout le monde est bien conscient que cela ne suffit pas.
    Si l’exposé des motifs de cette proposition de loi vise plus particulièrement la République populaire de Chine, c’est pour trois raisons fondamentales.
    Tout d’abord, à la différence de la plupart des pays meurtris par le fléau du trafic d’organes, la situation de la Chine est singulière. Ces actes n’y sont pas principalement le fait d’organisations mafieuses et criminelles, mais sont organisés, institutionnalisés et encouragés directement par l’État.
    Par ailleurs, il était de notre devoir moral de révéler l’ampleur de la problématique, de mettre le projecteur sur l’accumulation de preuves de ce qui constitue des crimes contre l’humanité à grande échelle.
    Enfin, la Chine est l’un de nos principaux partenaires dans le domaine médical, de la santé et de la recherche, et ce depuis plus de vingt ans.
    Si l’obligation d’être en conformité avec les lois et règlements français et internationaux figure bien au cœur de ces conventions, s’il existe bien des comités dits éthiques, il n’existe aucun véritable pilotage et aucune véritable régulation. J’en apporterai des preuves. Il n’existe aucun outil concret fiable pour vérifier l’effectivité de ces engagements et aucune obligation de remise en cause de ces conventions en cas de refus de transparence de la Chine. Si vous prenez le temps de lire l’exposé des motifs, vous ne pourrez plus dire que vous ne savez pas, vous ne pourrez plus dire qu’il n’y a pas besoin de légiférer, vous ne pourrez plus fermer les yeux et maintenir vos amendements de suppression sans états d’âme en prétextant que cette proposition de loi serait inopérante.
    Le 31 janvier, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a voté une résolution qui recommande notamment que les États parties fassent preuve d’une grande prudence « en ce qui concerne la coopération avec le China Organ Transplant Response System et la Croix-Rouge chinoise ».
    En analysant les chiffres officiels chinois sur le don d’organes, les chercheurs se sont rendu compte que ces chiffres correspondaient à une fonction mathématique simple et donnaient alors une courbe mathématique parfaite, ce qui est impossible dans cette industrie.
    Le 14 juin 2021, des experts de l’ONU ont reconnu être très alarmés par les rapports « crédibles », selon leurs termes, qu’ils ont reçus sur la pratique de prélèvement forcé d’organes en Chine sur des prisonniers issus de minorités ethniques, linguistiques et religieuses, ouïghoures, kazakhes, kirghizes, tibétaines et Falun Gong.
    Aujourd’hui, au moins un million de personnes sont détenues dans des camps. La liste des preuves ne fait que s’allonger. Les enquêtes ont permis de déduire qu’entre 60 000 et 100 000 greffes d’organes seraient réalisées chaque année en Chine, contre 19 000 selon les chiffres officiels.
    Autre catégorie de preuve, les délais extrêmement courts pour obtenir une greffe. C’est ce qui a pu être démontré grâce à de nombreuses enquêtes téléphoniques, enregistrées ou en caméra cachée. Les délais sont en moyenne de quatorze jours, deux jours dans certains cas, voire quelques heures. En France, le délai est de deux à trois ans en moyenne.
    Par ailleurs, l’absence de transparence et de consentement a été documentée à de multiples reprises. Les résultats de l’enquête menée notamment par la bioéthicienne Wendy Rogers ont révélé que, sur 445 études conduites en Chine, 92,7 % des publications ne précisaient pas la source des organes utilisés et 99 % d’entre elles n’indiquaient pas si le don d’organe avait fait l’objet ou non d’un consentement préalable.
    Autre catégorie de preuve, la spatialisation des camps. Dans la préfecture d’Aksu, au Xinjiang, suite aux travaux du journaliste d’investigation Ethan Gutmann, on peut voir grâce à des images satellites une organisation particulièrement morbide. Sur une surface de seulement un kilomètre carré se trouvent deux camps de détention, l’un peuplé de 16 000 prisonniers, l’autre de 33 000. Juste à côté, l’hôpital pour les maladies infectieuses d’Aksu. Au nord, à 900 mètres des deux camps, un immense crématorium. L’hôpital d’Aksu n’est qu’à vingt minutes en voiture d’une voie aéroportuaire express appelée « canal vert ».
    Les camps ont commencé à être identifiés en 2015. Ces premiers « passages verts » ont été initiés en Chine orientale en 2016 par le chirurgien cardiaque le plus prolifique de Chine, le docteur Chen Jingsu de l’hôpital populaire de Wuxi, et par la compagnie aérienne China Southern Airlines. Ils sont apparus dans les aéroports de Kashgar et d’Urumqi, au Xinjiang, alors que commençaient à être construits des crématoriums. Ces liaisons étaient ouvertement étiquetées : « Passagers spéciaux, lignes d’exportation d’organes humains ».
    En effet, il faut aller vite car, une fois prélevés, les organes humains n’ont qu’une courte durée de viabilité avant d’être transplantés – environ quatre heures. L’utilisation de techniques d’oxygénation par membrane extracorporelle, de systèmes de perfusion d’organes et d’appareils portables associés, employées à la fois pour les prélèvements d’organes vivants et pour le transport sur une longue distance, augmentent considérablement la viabilité de l’organe – plus de vingt heures.
    Quelle est la destination finale ? Une des destinations est le premier hôpital d’Hangzhou dans la province du Zhejiang, non loin de Shanghai, qui entretient une relation formelle de « grand frère », comme il le dit lui-même, avec l’hôpital pour maladies infectieuses d’Aksu. C’est l’un des dix centres certifiés de formation à l’oxygénation par membrane extracorporelle en Chine.

    Mme Frédérique Dumas, rapporteure

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    Depuis 2017, les transplantations de foies ont connu une augmentation de 90 % et les transplantations de reins de plus de 200 %. Le 1er mars 2020, l’hôpital de Hangzhou a réalisé avec succès la première double transplantation pulmonaire sur un patient atteint de covid-19 – il en a fait la publicité.
    Les bilans de santé et les tests sanguins pratiqués sur les détenus dans les camps, auxquels s’ajoutent des électrocardiogrammes et des scanners de poumons et d’autres organes, constituent une autre catégorie de preuve. De tels examens, réalisés environ tous les deux mois, sont devenus réguliers ; ils sont documentés par les témoignages de rescapés des camps. Les disparitions de personnes âgées de 25 à 30 ans, âge où la croissance est terminée mais où les organes sont en très bonne santé, sont régulières. Elles sont certes homéopathiques, mais elles représentent entre 2,5 % et 5 % de cas par camp.
    Autre catégorie de preuve, les campagnes de communication destinées à encourager les étrangers, notamment de pays du Golfe, à se rendre en Chine pour bénéficier de greffes d’organes. Je vous invite à vous rendre sur le site http ://www.tran-kid.com ; intégralement traduit en langue arabe, il indique sur sa page d’accueil : « Nous sommes là pour aider les patients étrangers qui cherchent à réaliser une greffe de rein, de cœur, de foie ou de poumon en Chine » – je vous passe les détails. L’ancien vice-ministre chinois de la santé, responsable du programme de transplantation d’organes, déclarait par ailleurs le 26 juillet 2017 à Pékin : « La Chine devrait être le premier pays pour les dons d’organes d’ici 2020. »
    Je m’arrête là faute de temps, même si la liste des preuves est bien plus longue encore. Pourtant, on nous dit : « Circulez, il n’y a rien à voir. » Le ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, n’a jamais répondu aux courriers que je lui ai envoyés, ni à celui du 28 juillet 2020, ni à celui du 15 décembre 2020, ni, bien entendu, à celui du 25 janvier dernier. Son cabinet a répondu à un journaliste du Monde, en novembre 2020, que le ministre partageait « l’intention de la démarche des députés signataires » mais qu’il n’y avait « pas besoin de nouvelle législation. »
    Pourtant, là aussi, les preuves de l’absence d’évaluation et de contrôle sont là. Le docteur chinois Zheng Shusen, spécialiste de la transplantation hépatique au sein du premier hôpital affilié à l’université du Zhejiang, a ainsi vu certaines de ses publications retirées de la revue scientifique Liver International, car depuis des années, il ne fournissait jamais ni l’origine des dons ni la preuve du consentement. La France, quant à elle, a accueilli en 2017 le docteur Zheng comme correspondant étranger de l’Académie nationale de médecine. Ce n’est qu’à la suite de l’envoi d’un courrier de ma part que l’Académie a avoué ne pas détenir toutes les informations que j’avais développées et assuré que les relations avec le docteur Zheng allaient être gelées et son dossier réinstruit. Depuis, nous n’avons aucune nouvelle mais neuf mois après, son nom figurait toujours sur le site de l’Académie – nous y reviendrons. Je leur ai envoyé un nouveau courrier et il n’y est plus depuis deux jours.
    En faisant quelques enquêtes sur les hôpitaux français, on constate également que certains s’auto-appliquent le devoir de vigilance essentiel qui leur incombe, mais que d’autres ne prennent pas cette précaution ; nous y reviendrons également. La direction générale de l’offre de soins (DGOS) du ministère des solidarités et de la santé, dans un rapport rendu en 2020, a elle-même souligné que les coopérations internationales hospitalières faisaient l’objet d’un manque de suivi et d’évaluation. Je vous invite à lire le récent rapport de l’IRSEM – Institut de recherche stratégique de l’École militaire – intitulé « Les opérations d’influence chinoises, un moment machiavélien ».
    « Il y a eu des décennies de ruée vers l’Est, sur fond de concurrence pour se positionner, avec une connaissance très faible de la Chine. Il faudrait imposer la transparence, pour commencer ; il faudrait surtout en finir avec l’illusion d’une science universelle où tous les partenaires respecteraient certains principes. Même s’il n’y a pas de guerre froide avec la Chine, doit-on laisser faire des coopérations duales ? » Ce constat, qui le fait ? Cette question, qui la pose ? C’est l’ancienne ministre chargée des affaires européennes, aujourd’hui députée européenne, Nathalie Loiseau, coordinatrice de la commission spéciale sur les ingérences étrangères et présidente de la sous-commission « sécurité et défense » (SEDE) du Parlement européen.
    La majorité nous propose donc de fermer les yeux, en France, sur ce qui est dénoncé à Strasbourg par une éminente députée de son parti. C’est bien pour éviter un décalage insoutenable entre les mots et les actes que la présente proposition de loi, que je défends aujourd’hui aux côtés de nombre de mes collègues, propose de se doter d’outils efficaces d’évaluation et de contrôle, en conditionnant la signature et le prolongement des accords et des conventions de coopération avec des établissements de santé et de recherche des pays non membres de l’Union européenne au contrôle effectif du respect par ces établissements des principes d’éthique prévus en droit français.
    Voilà pourquoi, mes chers collègues du groupe La République en marche, je vous invite à retirer vos amendements de suppression, dont les exposés sommaires sont surréalistes. Je vous invite donc vivement à voter en faveur de la présente proposition de loi, afin qu’à quelques semaines de la fin de la session parlementaire, à quelques mois de la fin de notre mandat, la France soit à la hauteur des grands principes qu’elle prétend défendre. Je sais que nombreuses et nombreux sont celles et ceux qui, sur ces bancs, m’accompagneront. (Applaudissements sur les bancs des groupes LT, LR et SOC. – M. Brahim Hammouche applaudit aussi.)

    M. le président

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    La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles

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    Nous examinons aujourd’hui la proposition de loi visant à garantir le respect éthique du don d’organes par nos partenaires non européens, présentée par Mme Frédérique Dumas, dans le cadre de l’espace réservé du groupe Libertés et territoires. Elle propose en substance un contrôle des conventions de coopération internationale conclues par les établissements de santé français avec des établissements de santé ou universités étrangers. La préoccupation qui sous-tend ce texte, rejeté par votre commission des affaires sociales au printemps dernier, concerne d’éventuels prélèvements d’organes forcés sur des prisonniers, notamment politiques, qui seraient actuellement pratiqués en Chine et qu’il faudrait faire cesser.
    C’est cette même préoccupation qui a conduit à l’adoption par l’Assemblée de la résolution portant sur la reconnaissance et la condamnation du caractère génocidaire des violences politiques systématiques ainsi que des crimes contre l’humanité actuellement perpétrés par la République populaire de Chine à l’égard des Ouïghours, et appelant à la mise en place d’une enquête internationale indépendante.
    Le Gouvernement tient à rappeler qu’il partage évidemment la préoccupation de Mme la rapporteure quant au respect des principes éthiques afférents au don, au prélèvement et à la greffe d’organes par nos partenaires internationaux non européens. Un trafic illicite d’organes humains aux fins de transplantation existe en effet à l’échelle internationale. Ce trafic, contraire aux droits de l’homme et aux libertés fondamentales, constitue une attaque aux principes éthiques consacrés en droit français, au premier rang desquels l’intégrité et la non-patrimonialité du corps humain.
    Divers moyens ont été mis en œuvre, tant au niveau national qu’international, pour lutter contre cette activité criminelle qui représente un réel danger pour la santé publique et individuelle. La Convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains, dite Convention de Saint-Jacques-de-Compostelle, vient renforcer le droit international existant en la matière. Elle garantit le respect des principes inscrits dans la Convention sur les droits de l’homme et la biomédecine, dite Convention d’Oviedo, ratifiée par la France en 2011. Elle renforce la sécurisation globale du système de transplantation en Europe, en imposant de prévoir des sanctions pénales en cas de trafic d’organes et en consolidant les modalités de coopération internationale en la matière. Elle prévoit en outre un renforcement de la protection des victimes. La France a par ailleurs participé activement à l’élaboration de la Convention de Saint-Jacques-de-Compostelle et l’a signée en novembre 2019. Le projet de loi autorisant sa ratification a d’ailleurs été adopté par votre assemblée il y a quelques jours, le 27 janvier dernier, et ce à l’unanimité.
    La France n’a cependant pas attendu l’intervention de cette convention pour s’emparer du sujet. Le législateur a confié à l’Agence de la biomédecine la mission de mener tous les deux ans une enquête auprès des centres de dialyse et de greffe, afin de recenser l’ensemble des Français greffés d’un rein à l’étranger. Il en résulte que le nombre de personnes concernées est très faible : cinq entre 2019 et 2020, et environ quatre-vingt-dix depuis les années 2000. Il s’agit le plus souvent de greffes réalisées à partir d’un donneur vivant, apparenté au receveur, dans le pays d’origine des personnes concernées et en conformité avec le droit dudit pays.
    S’agissant spécifiquement de la Chine, aucune filière de trafic d’organes impliquant des ressortissants français en Chine n’est répertoriée à ce jour. Contrairement à ce que la présente proposition de loi suggère, il existe encore moins de tourisme de la transplantation depuis la France vers la Chine. Bien que le Gouvernement partage – une fois encore – l’intention de la proposition sur le fond, les modifications proposées présentent selon nous différents risques.
    La proposition vise à soumettre la signature des conventions dites de coopération entre les établissements de santé français et étrangers – hors Union européenne – à une vérification a priori et a posteriori du respect des principes éthiques français. Le Gouvernement attache évidemment une grande importance au fait que les médecins et chercheurs français travaillent dans des conditions conformes aux engagements internationaux de protection des principes bioéthiques. Ainsi, les établissements de santé publics ou privés à but non lucratif sont d’ores et déjà tenus, dans toutes leurs activités, y compris la signature de conventions de coopération internationale, au respect de ces principes.
    Par ailleurs, le contrôle de leur non-violation reste cependant complexe ; conditionner la coopération technique à des garanties opposables à ce sujet n’apparaît pas proportionné. Le Gouvernement privilégie plutôt, à l’issue de la ratification de la Convention de Saint-Jacques-de-Compostelle, la sensibilisation des acteurs français de la coopération internationale en la matière.
    Enfin, la proposition de loi prévoit que le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) vérifie la signature des conventions de coopération relatives à la transplantation d’organes conclues entre les établissements de santé français et des partenaires étrangers. Or le CCNE n’a pas vocation à contrôler la conformité de ces conventions avec les principes éthiques consacrés en droit français, pas plus d’ailleurs que l’Agence de la biomédecine.
    Vous l’aurez compris, mesdames et messieurs les députés, la lutte contre le trafic d’organes est évidemment essentielle. Nous continuerons à lutter avec conviction contre toutes les formes de traite et de trafic humains, en nous appuyant sur l’arsenal juridique et diplomatique étendu dont nous disposons déjà. Pour toutes ces raisons, le Gouvernement ne sera pas favorable à la proposition de loi dont nous allons débattre.

    Discussion générale

    M. le président

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    Dans la discussion générale, la parole est à M. Jean-Michel Clément.

    M. Jean-Michel Clément

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    Aujourd’hui s’ouvrent à Pékin les Jeux olympiques d’hiver. Les yeux du monde seront tournés vers la cérémonie d’ouverture qui, comme en 2008, sera une mise en scène de la puissance chinoise. Le même jour, dans le Xinjiang, loin des caméras, dans l’indifférence, des hommes et des femmes seront peut-être extirpés de leur camp d’internement, comme d’autres l’ont été avant eux. Amenés de force dans des hôpitaux, leurs corps seront mutilés, leurs organes seront prélevés et beaucoup ne survivront pas. Ces organes seront ensuite acheminés par avions spéciaux et transplantés sur de riches patients. Telle est la réalité du monde d’aujourd’hui, dans un pays appelé à devenir la première puissance mondiale, s’il ne l’est pas déjà.
    Notre groupe s’est joint à d’autres voix, à d’autres consciences, pour dénoncer les exactions commises à l’encontre du peuple ouïghour par les autorités chinoises. Avec notre collègue Frédérique Dumas, nous avons déposé et soutenu deux propositions de résolution pour condamner les crimes contre l’humanité et le risque avéré de génocide à l’œuvre au Xinjiang, mais aussi pour agir. Nous regrettons d’ailleurs que, pour des raisons politiques, la proposition de résolution que nous défendions ait été retirée de notre ordre du jour.

    Mme Constance Le Grip

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    Tout à fait !

    M. Jean-Michel Clément

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    Malgré tout, par la présente proposition de loi, nous contribuons à une prise de conscience s’agissant d’un système institutionnalisé de prélèvements forcés et de trafic d’organes, organisé par un État. En effet, si la Chine a officiellement interdit le prélèvement d’organes de prisonniers exécutés en 2015, des enquêtes indépendantes concluent à la persistance de telles pratiques. Pire, les prisonniers dits de conscience – Tibétains, Ouïghours, chrétiens – sont aussi les victimes de ces actes odieux. L’an passé, en commission, la majorité a rejeté cette proposition de loi. Depuis, la situation n’a pas changé et les preuves se sont accumulées.
    Il n’est plus permis de douter. Les enquêtes du journaliste Ethan Gutmann démontrent l’existence de « passages verts », qui permettent d’acheminer les organes vers les hôpitaux directement depuis les camps de rééducation. Les témoignages du China Tribunal font état de tests médicaux subis par les pratiquants du Falun Gong et les Ouïghours emprisonnés dans les camps. D’après ce groupe de juristes constitué en tribunal indépendant, que la commission des affaires étrangères a récemment auditionné, l’existence de prélèvements forcés d’organes est incontestable.
    La Chine ne s’en cache guère : la promotion du tourisme de transplantation existe. Elle promet des délais de transplantation défiant toute concurrence : douze jours en moyenne, et 150 000 euros pour un cœur – il y a quelque chose de terrifiant à prononcer ces mots. Récemment, des institutions se sont enfin emparées de ce sujet. Le 31 janvier 2020, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a voté une résolution qui recommande aux États de faire preuve d’une grande prudence en ce qui concerne la coopération avec les autorités chinoises. Et en juin dernier, c’est l’ONU qui s’est dit très alarmée des rapports reçus sur la pratique de prélèvements forcés d’organes en Chine.
    Les accusations sont gravissimes, les éléments sont concordants. Et nous devrions rester muets pour ne pas froisser un partenaire et une grande puissance ? Nous mesurons bien la gravité de nos propos. La prudence nous commande de veiller à ne pas accuser à tort un État, mais notre conscience doit aussi nous conduire à ne pas détourner le regard lorsque de telles violations sont avérées.
    La proposition de loi que nous vous soumettons est évidemment de portée générale, mais le cas de la Chine est particulier. Contrairement à d’autres pays où ces pratiques sont le fait d’organisations criminelles et mafieuses, ce phénomène y est massivement organisé et encouragé par les autorités.
    Face à l’accumulation des preuves rappelée par ma collègue Frédérique Dumas, les principes de « doute certain », de « précaution » doivent s’appliquer au nom du devoir de vigilance.
    Ce devoir nous commande d’abord de dénoncer. Nous l’avons fait en adoptant la résolution condamnant le génocide et les crimes contre l’humanité perpétrés par la Chine à l’égard des Ouïghours. Mais que vaut cette condamnation si elle n’est pas suivie d’actions ?
    Le dispositif que nous proposons a le mérite de ne tomber ni dans l’ingérence ni dans l’accusation arbitraire. Il est un outil simple qui repose sur un principe simple : pas de coopération scientifique et médicale en cas de non-respect des principes éthiques de dignité humaine.
    Nous ne pouvons plus fermer les yeux sur les exactions en cours : les soupçons d’hier sont devenus des faits avérés. Face à ces actes barbares et inhumains, rester silencieux, c’est être complaisant ; ne pas agir, c’est être complice. Avec ce texte, nous vous proposons d’agir, modestement certes, mais d’agir en responsabilité. C’est notre devoir de parlementaires de le dire du haut de cette tribune. (Applaudissements sur les bancs des groupes LT et LR. – M. Brahim Hammouche applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Coquerel.

    M. Éric Coquerel

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    La transplantation d’organes est l’un des plus grands progrès qui nous ait été offert par la recherche scientifique et la médecine. Tous les jours, en France et ailleurs, les greffes sauvent des vies et allègent des quotidiens rongés par la maladie et la souffrance.
    Cependant, la transplantation ne peut exister que si elle repose sur quelques principes éthiques simples et intransigeants comme la gratuité de l’organe et, bien évidemment, l’absence de contrainte lors du prélèvement. Si les délais et la pénurie d’organes freinent souvent douloureusement ces miracles médicaux, nous savons qu’ils ne peuvent en aucun cas justifier le trafic, le tourisme de transplantation, ni a fortiori le recours à des prélèvements forcés.
    Ces règles éthiques basiques sont parfois contournées à l’étranger. Cela peut aller de cas de ventes d’organes contraintes par la misère dans certains pays, jusqu’à des situations massives de trafic et de prélèvements par la force dans d’autres.
    Le rapport de l’Agence de la biomédecine sur les greffes de rein effectuées à l’étranger avec des organes potentiellement issus de donneurs ayant été payés montre que les pays en cause sont nombreux. Il fait état d’une soixantaine de cas depuis 2000 concernant l’Inde, la Turquie, la Chine, l’Égypte, le Liban, le Pakistan, la Russie, la Thaïlande, l’Iran, Israël, l’Australie ou la Syrie.
    L’absence de transparence sur la provenance des organes transplantés est un problème à la fois récurrent et institutionnel en Chine, comme vous l’avez souligné. Ce pays est au centre de ce texte et de l’actualité, sans pour autant être le seul concerné. L’absence de transparence y est d’autant plus inquiétante que le nombre de transplantations clandestines atteindrait 90 000 par an et s’accompagne de suspicions de prélèvements d’organes sur des prisonniers vivants.
    Face à des suspicions aussi graves, à des crimes qui seraient d’une telle ignominie, l’avantage du présent texte est qu’il ne se contente pas de suspecter, de constater ou de condamner en l’air, mais propose des actes. Ce texte permet d’agir. Il fait appel à des leviers diplomatiques et sanitaires concrets pour que nous puissions lutter contre ce genre d’horreurs.
    À cet égard, je répondrais au secrétaire d’État que même si nous nous posons encore des questions sur les faits, le principe de précaution doit l’emporter et nous pousser à agir. Il serait incompréhensible de s’opposer à un principe aussi salutaire et nécessaire.
    Je fais observer à nos collègues du groupe LaREM, qui ont déposé des amendements de suppression, que face à la suspicion de tels crimes contre l’humanité, il serait inconcevable que notre assemblée s’accorde un jour à dénoncer un génocide contre les Ouïghours, qui serait le quatrième de l’histoire, tout en refusant d’agir pour faire cesser les crimes dont serait notamment victime la même population. Au passage, je relève que certains proposent de se contenter de dénoncer un génocide contre les Ouïghours, sans passer aux actes s’il était avéré.
    C’est pour la même raison que le groupe La France insoumise aurait soutenu le texte sur les Ouïghours dont nous aurions dû débattre aujourd’hui s’il n’avait été retiré comme indiqué précédemment. Ce texte correspondait à l’état de la situation observée par les associations internationales de défense des droits de l’homme. En outre, il proposait des actions concrètes sous forme d’enquêtes internationales, sans se contenter d’une simple dénonciation.
    Ce texte aurait permis de faire suivre les grands mots d’actes concrets, répondant au vœu formulé par ma camarade Clémentine Autain dans cet hémicycle. Elle souhaitait « que l’unanimité […] à défendre le peuple ouïghour se [traduise] dans la durée par des actes qui empêchent le pire de l’inhumanité de se dérouler et de se répéter ».
    L’intérêt du présent texte est de proposer concrètement de vérifier et d’empêcher de tels faits, même si nous pouvons avoir des divergences d’appréciation sur leur ampleur. Nous voterons évidemment pour cette proposition de loi.

    M. le président

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    La parole est à M. Stéphane Peu.

    M. Stéphane Peu

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    Cette proposition de loi est importante à maints égards.
    Tout d’abord, elle aborde la délicate question du don d’organes qui est pour nous, parlementaires français, une préoccupation majeure. En effet, c’est au terme de nombreuses années d’échanges et de contributions intellectuelles que notre pays a pu construire une philosophie du don regardée avec beaucoup d’intérêt dans le monde entier.
    Cette philosophie repose sur des piliers essentiels tels que le respect du corps de la personne vivante et décédée, la non-patrimonialité du corps humain, le consentement, l’anonymat du donneur et enfin la gratuité du don. Plus que des formules incantatoires, ces grands principes nous permettent, en tant que législateur, de trouver le bon compromis entre les progrès rendus possibles par la science et les formes éthiques que ceux-ci doivent donner à nos vies.
    Cette proposition de loi est également importante parce que notre débat s’inscrit dans un contexte international que nul ne peut ignorer. Disons-le d’emblée : nous sommes opposés à toute tentative d’ingérence politique, singulièrement lorsqu’un État s’évertue à vouloir appliquer aux autres ce qu’il refuse de s’appliquer à lui-même. Chaque pays est souverain pour la politique qu’il entend mener.
    Cependant, nous ne pouvons rester sourds aux multiples alertes qui nous parviennent au sujet du trafic d’organes qui a lieu en Chine. Je pense ici au travail mené par les organisations non gouvernementales – ONG –, qui appellent à une réaction immédiate de la communauté internationale contre l’organisation des camps d’enfermement, du travail forcé, des crimes et des prélèvements d’organes qui se pratiquent sur les Ouïghours.
    Nous réclamons nous aussi qu’une délégation mandatée par l’ONU puisse se rendre sur place, afin de mener une enquête pour que les responsables présumés de crimes de droit international soient amenés à rendre des comptes. Cette délégation pourrait également faire la lumière sur le sort réservé aux citoyens chinois adeptes du Falun Gong et aux chrétiens des églises domestiques.
    Sur le plan interne, force est d’admettre que les autorités chinoises ont rendu illégal le trafic d’organes et qu’elles ont officiellement mis fin, en 2015, aux prélèvements d’organes sur des prisonniers exécutés. En vertu de ces décisions, le système de transplantation doit désormais reposer exclusivement sur des dons d’organes. Dont acte.
    Cependant, les chiffres à notre disposition nous invitent encore à la plus grande prudence, tant les différences de délais pour obtenir une greffe apparaissent disproportionnées entre l’Europe et l’empire du Milieu. C’est pourquoi nous réaffirmons, à travers cette proposition de loi, les principes qui sont les nôtres et qui s’appliqueront réciproquement à tous nos partenaires non européens.
    Nous sommes néanmoins conscients que la portée du dispositif sera limitée. D’abord, parce que le Comité consultatif national d’éthique sera bien en peine de vérifier que les critères éthiques instaurés par ce texte seront bien respectés. Ensuite, parce que nos hôpitaux ont déjà grandement réduit la voilure de nos échanges en matière de don d’organes avec les établissements de soins chinois. Quant aux Françaises et aux Français, tout indique qu’ils ne se rendent pas en Chine pour bénéficier de transplantations. C’est en tout cas ce que dit le ministère de la santé : un seul citoyen français aurait reçu une greffe en Chine, en 2004.
    Mais l’essentiel est ailleurs. À l’instar des positions que nous avons défendues durant les discussions entourant la loi relative à la bioéthique, nous revendiquons une philosophie de l’éthique dont les fondements ne varient pas selon les circonstances. Nous croyons dans l’homme et dans sa capacité à faire ses choix en autonomie, entre les tissus de la raison, de son cœur et de ses propres conceptions éthiques.
    Nous pensons que nous devons accompagner les nouvelles possibilités offertes par la médecine, dans l’espoir qu’elles améliorent la qualité de vie du plus grand nombre d’êtres humains. Mais ces progrès n’obligent en rien à céder aux dérives les plus sombres que sont la barbarie et l’eugénisme.
    Soyez donc certains que les parlementaires communistes feront toujours front contre ces pratiques contraires à la philosophie humaniste qui nous anime au plus profond. C’est pourquoi nous soutiendrons cette proposition de loi. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LT.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean François Mbaye.

    M. Jean François Mbaye

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    La proposition de loi défendue par Frédérique Dumas nous donne l’occasion de revenir sur deux problématiques abordées par notre assemblée au cours des quinze derniers jours : les exactions commises à l’endroit des populations ouïghoures ; la lutte contre le trafic d’organes humains.
    Le 20 janvier dernier, nous avons en effet adopté une proposition de résolution reconnaissant et condamnant les violences commises à l’égard des Ouïghours, déclarant ainsi solennellement notre soutien à ces victimes de persécutions systématiques.
    Une semaine plus tard, nous avons adopté à l’unanimité le projet de loi autorisant la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains, instrument juridique déterminant dans le cadre de la lutte contre cette abominable activité criminelle.
    Madame la rapporteure, si l’examen de votre proposition de loi vient chronologiquement s’inscrire dans le prolongement de ces deux textes, il ne s’agit en réalité que d’une apparence de continuité : ils permettaient une véritable avancée, alors que votre proposition de loi se situe en deçà des ambitions qu’elle se fixe.
    Ainsi que j’avais eu l’occasion de le faire remarquer en commission des affaires sociales, le droit d’initiative parlementaire ne saurait être confondu avec la liberté qu’a chacun d’entre nous de communiquer publiquement les messages politiques qui l’animent. Une proposition de loi a vocation à faire évoluer la législation, non à remplir l’office d’une tribune qui pourrait paraître dans n’importe quel quotidien.
    En outre, et au-delà du seul risque d’inflation législative, l’adoption de la proposition de loi de notre collègue Dumas ne permettrait pas à notre assemblée de se substituer aux conclusions d’une mission internationale d’observateurs indépendants. Pire, en dévoyant ainsi les moyens d’action qui sont les nôtres, nous obérerions sensiblement l’efficacité d’efforts par essence collectifs.
    La France dispose des moyens opérationnels nécessaires afin de lutter contre les fléaux que constituent les manquements à l’éthique médicale et le trafic d’organes humains.
    L’article L. 6134-1 du code de la santé publique, qu’entend réformer cette proposition de loi, conditionne d’ores et déjà la conclusion de partenariats en matière sanitaire au respect des engagements internationaux souscrits par l’État français.
    Au premier rang de ces engagements se trouve la Convention pour la protection des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain à l’égard des applications de la biologie et de la médecine, dite convention d’Oviedo, signée par la France en 1997 et ratifiée en 2011, qui contient des stipulations extrêmement claires quant au respect des principes éthiques en matière de prélèvement et de transplantation d’organes.
    Plus récemment, la Convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains, rappelée par plusieurs orateurs, est venue parfaire l’arsenal juridique des États en matière de coopération et de lutte contre ces pratiques. Ainsi que je l’indiquais précédemment, notre assemblée s’est honorée en autorisant à l’unanimité la ratification de ce traité qui jouera à n’en pas douter un rôle déterminant à l’échelle internationale.
    Au demeurant, la présente proposition ne serait pas seulement superfétatoire. Elle serait également inopérante en pratique, puisque tant le texte d’origine que la réécriture proposée exigent des établissements concernés que ceux-ci procèdent eux-mêmes à la vérification du respect de nos principes éthiques par leurs partenaires potentiels afin d’en justifier à l’Agence de la biomédecine.
    Cette exigence laisse entendre que l’impossibilité matérielle pour un établissement de procéder à cette vérification conduira à présumer la violation de nos propres principes éthiques. Dès lors, si le risque de porter préjudice aux équipes scientifiques françaises est certain, la chance d’enrayer effectivement les pratiques intolérables visées par ce texte est pratiquement nulle.
    Nous en sommes convaincus : seule une approche multilatérale concertée, mobilisant à la fois des dispositifs juridiques adéquats et l’ensemble des leviers d’influence à la disposition de notre diplomatie, permettra de mettre un terme aux pratiques dénoncées dans le texte que nous examinons.
    Vous l’aurez compris : ce constat d’inefficacité annoncé, associé à la récente adoption par notre assemblée d’une résolution visant à condamner les violences commises à l’endroit des populations ouïghoures, nous conduit à considérer que cette proposition de loi, qui relève surtout d’une tribune contre les pratiques du régime de Pékin, ne présente aucun attribut justifiant son adoption. De ce fait, le groupe La République en marche ne votera pas en faveur de ce texte.

    M. le président

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    La parole est à Mme Constance Le Grip.

    Mme Constance Le Grip

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    La proposition de loi que nous examinons à l’initiative de notre collègue Frédérique Dumas vise à garantir le respect éthique du don d’organes par nos partenaires non européens et à encadrer les contrats de partenariat entre établissements de santé français et non européens, afin de s’assurer du respect de l’éthique biomédicale et scientifique.
    Quelques chiffres d’abord, pour planter le décor : en 2021, 5 273 transplantations ont été réalisées en France, un nombre en baisse depuis 2017. Même si les chiffres observés en 2020 et en 2021 s’expliquent évidemment en grande partie par la crise sanitaire et la déprogrammation de nombreuses opérations, le nombre de greffes réalisées chaque année est loin de répondre à la demande. Malgré les efforts déployés par les autorités, les professionnels de santé et tous les pouvoirs publics, de trop nombreuses personnes, en France, décèdent faute d’avoir bénéficié à temps d’une greffe d’organe.
    Ce contexte de « pénurie d’organes », qui vaut également au niveau mondial, a conduit au développement tragique du prélèvement forcé, du trafic d’organes et du tourisme de transplantation. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que 5 % à 10 % des greffes d’organes dans le monde sont réalisées avec des organes issus du trafic, soit environ 15 000 greffes par an, un chiffre absolument effrayant.
    Les auteurs et cosignataires de la présente proposition de loi, dont je fais partie, considèrent que la République populaire de Chine constitue l’exemple le plus grave de ce tourisme de transplantation, en raison tout particulièrement de la pratique institutionnalisée du prélèvement forcé d’organes qui y a été instaurée. Comme cela a déjà été souligné, ces prélèvements sont effectués sur des prisonniers, notamment d’opinion, et sur des membres de minorités ethniques ou religieuses particulièrement ciblées et persécutées par le régime de Pékin, comme en témoigne leur internement dans des camps.
    Plusieurs enquêtes indépendantes soutiennent, documents à l’appui, que les prélèvements forcés d’organes, notamment sur les prisonniers et les personnes internées, se poursuivent en Chine, malgré l’adoption par le gouvernement chinois, en 2007, d’une première loi réglementant la transplantation, puis l’interdiction officielle, depuis 2015, du prélèvement des organes des prisonniers exécutés. En juin 2019, le China Tribunal, tribunal indépendant basé à Londres et composé de juristes et de chercheurs, a conclu avec certitude que des prélèvements forcés d’organes ont eu lieu en de multiples endroits de la République populaire de Chine et à de multiples occasions, sur une période d’au moins vingt ans, et qu’ils se poursuivent à ce jour. Il les qualifie de crimes contre l’humanité.
    Il est donc primordial, et même vital, de lutter contre ces pratiques totalement indignes et de sanctionner les personnes impliquées dans ces crimes. C’est ce que plusieurs pays – l’Espagne, l’Italie, Israël, Taïwan – ont fait en modifiant leur législation nationale, afin de condamner plus sévèrement ceux de leurs ressortissants qui se seraient rendus complices de ces atrocités. Il est à rappeler que la France peut s’enorgueillir de disposer, en matière de bioéthique médicale et scientifique, d’un bloc législatif qui nous est envié dans le monde entier. Il est notamment constitué de la loi du 22 décembre 1976 relative aux prélèvements d’organes, dite loi Caillavet, des avis du Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé et de plusieurs lois de bioéthique. C’est bien dans ce cadre et en gardant nos grands principes à l’esprit que nous devons aborder l’examen de ce texte.
    Le Parlement européen, cela a été dit, a voté deux résolutions très précises. Notre assemblée a adopté jeudi dernier, à l’unanimité, le projet de loi autorisant la ratification de la Convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains, dite convention de Compostelle, qui, dans son préambule, reconnaît que le trafic d’organes constitue une menace mondiale, contre laquelle les pays européens doivent lutter de manière efficace. Fort bien – dont acte. Mais nous devons aller plus loin et poser maintenant des actes concrets. Nous estimons que les réserves émises par la France lors de la signature de la convention de Compostelle rendent difficile la traduction devant la justice française – par exemple – des personnes éventuellement impliquées dans le tourisme de transplantation et le trafic d’organes, alors qu’elle nous semble être une exigence minimale pour lutter efficacement contre ce fléau.
    Nous estimons également que la présente proposition de loi complète de manière concrète la convention de Compostelle et permet d’aller plus loin en modifiant le droit interne pour encadrer les conventions de coopération entre les établissements de santé français – publics ou privés – et les établissements non européens, afin d’éviter que des structures françaises deviennent en quelque sorte complices de violations des droits de l’homme en matière de transplantation d’organes. Les élus du groupe Les Républicains avaient voté, lors de l’examen du texte en commission des affaires sociales, en mars 2021, en faveur de cette proposition de loi. Je confirme que nous la voterons, aujourd’hui encore, avec beaucoup de détermination. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Michèle de Vaucouleurs.

    Mme Michèle de Vaucouleurs

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    La proposition de loi que nous examinons vise à renforcer l’encadrement des conventions de coopération scientifique pouvant être signées par des établissements de santé ou par des institutions de recherche français avec des centres établis dans des pays tiers. Les différents dispositifs prévus dans le texte posent ainsi le principe d’une condition de vérification, a priori et a posteriori, du respect des principes éthiques de consentement préalable au don d’organe et de gratuité du don dans le pays tiers concerné. Comme indiqué dans l’exposé des motifs, le texte vise particulièrement les interactions scientifiques avec la Chine, pays régulièrement accusé de pratiquer des prélèvements d’organes forcés sur des prisonniers, notamment politiques ou issus de minorités religieuses comme les Ouïghours.
    Si nous partageons les préoccupations de la rapporteure sur ces questions, nous nous interrogeons sur l’incidence concrète d’un tel texte sur la politique intérieure chinoise. Par ailleurs, mesurons-nous ses conséquences potentielles sur notre rayonnement scientifique international, surtout dans le contexte actuel, qui fait de la coopération le maître mot ? L’adoption de cette proposition de loi pourrait en effet paralyser les processus de partenariats internationaux noués en matière de santé et de recherche, sans pour autant permettre d’atteindre l’objectif consistant à faire cesser les prélèvements forcés d’organes que les autorités chinoises sont accusées de pratiquer.
    Définir un nouveau cadre normatif national peut sembler vertueux de prime abord. Néanmoins, en y regardant de plus près, une telle mesure apparaît plus inopérante qu’autre chose. Nos structures procèdent déjà à des contrôles du respect de ces principes dans le cadre de leurs actions de coopération internationale : l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), l’Institut Pasteur et l’Agence de la biomédecine possèdent chacun des comités d’éthique ad hoc. Pour les plus petites structures qui ne peuvent pas procéder à de telles vérifications, le texte instaure une présomption de transgression des principes éthiques, au nom du principe de précaution. Une telle disposition n’est pas tenable juridiquement et entraînerait une perte d’influence considérable de la France dans le domaine de la recherche médicale éthique. Car en nouant des partenariats, nos équipes de recherche véhiculent et transmettent nos principes éthiques dans le monde entier. Cette stratégie de soft power conduite depuis des décennies serait considérablement affectée par le dispositif proposé.
    De telles dispositions législatives ne nous semblent pas être le moyen le plus approprié pour que la France exerce une réelle influence sur son partenaire chinois. Nous considérons que le champ diplomatique et européen constitue un vecteur plus efficace dans le combat contre le trafic d’organes et la traite humaine. C’est dans cette perspective que la France a signé en 2019 la convention de Saint-Jacques-de-Compostelle, qui sécurise le système de transplantation européen et impose des sanctions pénales en cas de trafic d’organes. La loi de ratification a d’ailleurs été adoptée la semaine dernière dans cet hémicycle. Si le cadre national relatif au dispositif de dons et de transplantation d’organes est déjà très rigoureux et solide, l’entrée en vigueur de cette convention manifeste l’engagement de la France au plan international pour venir à bout des trafics d’organes, qui constituent une atteinte profonde aux droits humains en même temps qu’ils ternissent les progrès scientifiques que représentent les transplantations d’organes.
    Nous considérons que c’est à l’échelle supranationale, aux côtés de nos partenaires européens notamment, que nous pouvons exercer une influence. Par ailleurs, la ratification de cette convention, du fait de la hiérarchie des normes établissant la supériorité du droit européen sur le droit national, annihilerait in fine la portée du présent texte.
    Notre arsenal législatif nous semble à ce jour suffisamment dense pour lutter contre le fléau que constitue le trafic d’organes. Cette proposition de loi, dont l’esprit est tout à fait louable mais qui contient des mesures inopérantes techniquement, ne permettrait pas de le renforcer. Pour toutes ces raisons, le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés ne soutiendra pas cette initiative législative. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Claudia Rouaux.

    Mme Claudia Rouaux

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    Nous remercions le groupe Libertés et territoires d’avoir inscrit ce texte à l’ordre du jour de sa journée de niche parlementaire et de nous permettre ainsi de débattre d’une question éminemment éthique.
    Nous le savons, la France souffre d’une importante pénurie d’organes : on estime que jusqu’à 30 % des patients inscrits sur les listes d’attente meurent avant d’avoir bénéficié d’une transplantation. Pour autant, nous ne pouvons accepter que les importations d’organes en France ne respectent pas les principes de dignité de la personne humaine et de consentement éclairé des donneurs. Nous ne pouvons pas non plus feindre d’ignorer les rapports internationaux qui dénoncent des pratiques criminelles, comme la véritable industrie de prélèvements d’organes exercée en Chine sur les prisonniers politiques. En 2016, un rapport rédigé par un député canadien estimait ainsi le nombre de transplantations clandestines à 90 000 par an.
    Certes, la France a signé en 2019 la convention de Saint-Jacques-de-Compostelle contre les trafics d’organes humains. Toutefois, il est encore difficile, voire impossible, d’obtenir que les personnes impliquées dans le tourisme de transplantation et le trafic d’organes soient traduites devant nos tribunaux. Malgré les dispositions du code pénal et du code de la santé publique, qui visent respectivement à sanctionner les abus et à s’assurer que les principes éthiques sont respectés, il semble que le droit actuel soit insuffisant pour lutter contre ces pratiques. Il est donc indispensable de renforcer notre législation. Cela est d’autant plus urgent que la France est en retard dans ce domaine : Taïwan, Israël, mais aussi des pays voisins comme l’Espagne ou l’Italie, ont déjà modifié leur législation nationale afin de sanctionner plus sévèrement les personnes impliquées dans ces crimes et d’éviter ainsi que leurs citoyens se rendent complices de ces atrocités.
    C’est tout l’objet de cette proposition de loi. Déjà, l’année dernière, lors de son examen en commission des affaires sociales, nous avions salué les dispositions qu’elle comporte, estimant nécessaire de progresser sur cette question. Nous estimions qu’un examen attentif du texte était indispensable et avions regretté son rejet par la commission. Aujourd’hui encore, la majorité, par des amendements de suppression, entend vider le texte de tout contenu, sans rien proposer en retour. Nous le déplorons et continuerons de soutenir cette proposition de loi éthique.

    M. le président

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    La parole est à Mme Annie Chapelier.

    Mme Annie Chapelier

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    Je le précise d’emblée : les membres du groupe Agir ensemble défendent depuis sa création une liberté d’opinion à laquelle ils tiennent. C’est pourquoi notre groupe n’exprimera pas de position de vote : chacun se prononcera selon ses convictions, puisque ce texte ne fait pas l’unanimité au sein du groupe.
    Je parlerai donc en mon nom et c’est ainsi que j’exprimerai mon soutien à la proposition de loi de Frédérique Dumas, dont je suis cosignataire comme plusieurs membres de mon groupe.
    Cette proposition de loi s’attache à sécuriser le respect éthique du don d’organes par nos partenaires non européens « afin de protéger l’humain et la vie », comme cela a été très justement rappelé dans l’exposé des motifs.
    Alors que la transplantation d’organes, qui permet chaque jour de sauver de nombreuses vies, constitue un progrès considérable de la médecine et de la technologie, elle peut aussi, comme tout progrès, être détournée à des fins malveillantes.
    Les pratiques illégales du don d’organes se nourrissent du nombre de demandes de dons et aboutissent au développement de ce que l’on appelle tragiquement le tourisme de transplantation. L’OMS estime ainsi que 5 à 10 % des greffes d’organes réalisées dans le monde à partir d’un donneur décédé résultent d’une pratique illégale. Contrairement à ce qui a pu être dit dans nos précédents débats, ces chiffres ne me semblent pas marginaux.
    Sans consentement libre, éclairé et spécifique du donneur, le don d’organes n’est plus un acte de solidarité, mais de torture et d’exploitation des personnes. Ces prélèvements forcés doivent alors être pris pour ce qu’ils sont : une atteinte grave à la dignité des personnes et un trafic d’êtres humains, et ce indépendamment du nombre de cas, qui ne justifie rien. Nous devons défendre avec fermeté, au niveau national, nos positions sur ce sujet.
    C’est bien dans cette perspective que la communauté internationale a affirmé sa position face à ces pratiques criminelles en signant la convention dite de Compostelle le 25 mars 2015, la France venant s’ajouter à la liste des pays signataires en 2019. La ratification de cette convention internationale a été autorisée par un vote unanime de l’Assemblée nationale le 27 janvier 2022.
    Face au constat, et pour que cet engagement puisse se traduire dans le droit interne français et être renforcé par des sanctions en cas de non-respect de l’éthique des dons d’organes, la présente proposition de loi vise à améliorer l’encadrement des dons. Elle cible ainsi les conventions de coopération entre des établissements de santé français et des centres établis dans des pays tiers non européens.
    Alors que la France s’inscrit dans une démarche de coopération et de collaboration avec ses partenaires étrangers, nous réaffirmons par ce texte notre volonté d’une transparence totale et d’un plus grand respect des droits humains, lequel doit être un principe fondamental de nos échanges internationaux.
    Des grands mots ? Peut-être, mais il faut leur donner de la substance. J’ai donc du mal à comprendre le cheminement intellectuel qui conduit certains à penser que nous fragiliserions nos partenariats avec les pays non européens en raison de notre exigence d’éthique. Bien au contraire !

    Mme Constance Le Grip

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    Oui !

    Mme Annie Chapelier

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    L’éthique et le respect des droits humains doivent être notre boussole et aucune autre considération économique, financière ou politique ne saurait les supplanter.
    Cette proposition de loi vise donc à soumettre les conventions de coopération à une double vérification, a priori et a posteriori, afin de s’assurer du respect des principes éthiques préalables au don d’organes dans les pays tiers concernés, que ces conventions soient signées par des établissements de santé publics ou privés : c’est l’objet des articles 1er et 2. Ce double contrôle aurait pour objectif principal de vérifier le consentement préalable au don ainsi que la gratuité de celui-ci.
    En outre, la signature de conventions est interdite en cas d’absence de garanties auditables du respect des principes ou si des sanctions pour manquement aux règles d’éthique ne sont pas prévues, comme le disposent respectivement les articles 3 et 4. Les auteurs du texte souhaitent ainsi éviter que des médecins, des personnels de santé ou des établissements français ne se trouvent mêlés, directement ou indirectement, à leur insu, à des filières de trafic d’organes dont ils rejettent profondément les pratiques.
    Je rappelle que cette proposition de loi s’inscrit dans un contexte international rendu favorable par la signature d’accords internationaux pour le respect de l’éthique du don d’organes. Alors qu’il n’est nullement fait mention de la Chine dans ses articles, l’exposé des motifs met en cause à plusieurs reprises ce pays et sa politique en matière de droits humains. Cependant, il nous paraît important de rappeler qu’à ce jour, aucune filière chinoise de trafic d’organes impliquant des ressortissants français n’a été répertoriée.
    Même si une telle situation n’a jamais été découverte jusqu’ici par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères ou par l’Agence de la biomédecine, il nous faut continuer de défendre avec ferveur les droits de l’homme et un strict respect de l’éthique du don d’organes. Il s’agit donc de mesures préventives – je dis bien préventives – afin d’éviter toute dérive et de clarifier notre position nationale sur un sujet aussi sensible.
    Vous l’aurez compris, je voterai personnellement en faveur de ce texte, parce qu’il s’inscrit dans la droite ligne des engagements nationaux comme internationaux de la France, qui font de notre beau pays celui des droits de l’homme, et parce qu’il apporte des garanties utiles et nécessaires à la sécurisation des coopérations scientifiques avec nos partenaires non européens. (Applaudissements sur les bancs des groupes Agir ens, LR et LT.)

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Gomès.

    M. Philippe Gomès

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    Même si elle n’est pas directement visée, chacun a bien compris que c’est de la Chine dont il s’agit dans la proposition de loi que nous examinons. Ce pays ne respecte pas les principes éthiques en matière de prélèvement d’organes tels qu’ils résultent du droit international, le premier de ces principes étant le consentement libre et éclairé.
    La Chine organise un trafic au sein de sa propre population en prélevant les organes sur les prisonniers ou sur les minorités ethniques ou religieuses. Nous avons donc affaire ici à un État voyou, qui s’essuie les pieds sur les droits de l’homme les plus élémentaires en matière de transplantation d’organes.
    Si tel n’était pas le cas, par quelle alchimie miraculeuse quelques jours suffiraient-ils en Chine pour obtenir une transplantation alors que plusieurs années sont nécessaires en France métropolitaine ? Je ne doute pas de la compétitivité de l’économie et des établissements médicaux chinois, mais pour justifier cet écart, il faudrait qu’elle ait atteint des niveaux assez déraisonnables.
    L’objectif poursuivi par ce texte – qui comporte bien sûr des imperfections – est de prémunir nos établissements de santé et de recherche d’une collaboration avec leurs homologues chinois tant que ceux-ci sont dans l’incapacité de prouver qu’ils respectent les principes en matière de transplantation.
    Il n’y a rien d’extraordinaire à demander le respect de ces principes de base. Nous nous devons de prendre les précautions nécessaires à l’égard de pays dans lesquels le prélèvement est opéré sur donneur vivant ou dans lesquels le prélèvement sur donneur décédé n’est pas suffisamment élaboré – la Chine, l’Inde, le Pakistan, les Philippines, le Bangladesh, l’Égypte, le Mexique, le Cambodge et le Sri Lanka. La présente proposition de loi s’inscrit dans cette perspective ; nous ne pouvons donc que la soutenir.
    Pour justifier leur choix de ne pas voter ce texte, certains mettent en exergue le fait que la convention de Compostelle, dont la ratification a été approuvée par le Parlement, notamment par mon groupe, invite déjà les gouvernements à ériger en infraction pénale le prélèvement illicite d’organes humains sur des donneurs vivants ou décédés en l’absence de consentement libre et éclairé ou de gratuité du don. L’entrée en vigueur de cette convention internationale rendrait ainsi nulle et non avenue la présente proposition de loi.
    Mon groupe considère quant à lui que ces deux textes sont complémentaires. Plusieurs articles de la convention de Compostelle sont privés d’effet compte tenu des réserves d’interprétation formulées par la France, qui a conditionné l’application de certaines dispositions au dépôt d’une plainte par la victime ou à une dénonciation de la part des autorités de l’État dans lequel l’infraction a été commise.
    Certes, la convention, qui a bien été ratifiée, est généreuse et marque une avancée car elle pose des principes. Mais on aura aussi compris que les modalités d’application seront délicates. Il est à craindre, hélas, que la majorité des cas passent à travers les mailles de la législation internationale ainsi établie.
    Pour toutes ces raisons, le groupe UDI et indépendants soutient la proposition de loi. Il espère que la présidence française du Conseil de l’Union européenne contribuera à mettre ce dossier sur la table, car il figure au premier rang des préoccupations en matière de droits de l’homme. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LT.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Sylvia Pinel.

    Mme Sylvia Pinel

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    Vigilance et intransigeance doivent être la norme lorsqu’il est question d’éthique, de dignité et de vie humaine.
    Je ne reviendrai pas sur le cas de la Chine : mes collègues Frédérique Dumas et Jean-Michel Clément ont d’ores et déjà expliqué qu’un faisceau d’indices attestait de l’existence d’un système étatique de prélèvement forcé d’organes.
    J’aimerais plutôt insister sur les limites de notre arsenal juridique en matière de lutte contre le trafic d’organes et le tourisme de transplantation.
    Quand nous avons déposé cette proposition de loi, l’an dernier, la France n’avait toujours pas ratifié la Convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains, dite convention de Compostelle, qu’elle a pourtant signée en 2019. Celle-ci invite les gouvernements à ériger en infraction pénale le prélèvement illicite d’organes humains et institue des mesures de protection et de dédommagement en faveur des victimes du trafic d’organes. Notre assemblée l’a finalement ratifiée la semaine dernière et je m’en réjouis.
    Cependant, nous continuons de regretter les réserves émises par notre pays, qui limitent fortement la portée de cette convention. Ainsi, la France n’exercera sa compétence que si les faits sont également punis par la législation du pays dans lesquels ils ont été commis et seulement si ces derniers ont fait l’objet d’une plainte ou d’une dénonciation officielle de la part des autorités du pays en question. Cela réduit considérablement la portée du dispositif. Ces réserves excluent par exemple les prisonniers d’opinion victimes de prélèvements forcés d’organes et condamnés au silence.
    Plus largement, nous regrettons que notre pays ne se dote pas de moyens suffisants pour éviter le trafic d’organes. Nous le disons, la ratification de la convention de Compostelle va dans le bon sens, mais ne suffit pas.
    Pour ne donner qu’un exemple, selon les statistiques de l’Agence de la biomédecine, 300 malades sortent chaque année des listes d’attente de greffe. Ils ne sont pas décédés, n’ont pas été greffés et leur état ne s’est pas aggravé. Dès lors, comment interpréter cette sortie des statistiques ?
    Lors de l’examen du projet de loi relatif à la bioéthique, j’avais déposé des amendements prévoyant que toute greffe réalisée à l’étranger sur un citoyen ou un résident français soit inscrite dans un registre national de patients transplantés à l’étranger, géré par l’Agence de la biomédecine. Ces propositions demeurent aujourd’hui lettre morte alors qu’elles sont indispensables.
    Enfin, disons-le clairement : même si nous arrivions à empêcher nos citoyens de se livrer au trafic d’organes et au tourisme de transplantation, nous ne pourrions pas garantir la fin des prélèvements forcés, que des citoyens français et européens en bénéficient ou non. Nous devons impérativement éviter de nous rendre complices de pratiques contraires à notre modèle éthique et à la dignité humaine.
    C’est pour cette raison que cette proposition de loi cible les accords de coopération dans les domaines scientifique et médical. Nos établissements, nos scientifiques et nos professionnels de santé ne doivent pas se retrouver mêlés, directement ou indirectement, à des pratiques contraires aux règles que nous nous fixons. Nous ne pouvons pas être intransigeants quand les pratiques ont lieu en France et laxistes quand elles ont lieu à l’étranger.
    Il ne s’agit pas d’ingérence. Le texte prévoit en effet d’encadrer nos accords de coopération, que nous sommes libres de conclure ou non. Mais, à l’heure actuelle, nous n’avons aucun moyen de vérifier le respect ou non de nos principes éthiques par nos partenaires. De l’aveu même de la direction générale de l’offre de soins, les coopérations internationales hospitalières sont insuffisamment suivies et évaluées. Impossible, par conséquent, de nous assurer que les techniques de transplantation enseignées dans le cadre de nos coopérations ne seront pas ensuite dévoyées et utilisées pour procéder à des prélèvements forcés. Devons-nous nous en accommoder ? En l’absence de vérification, les principes de doute certain et de précaution doivent s’appliquer, car il est question d’atteinte à la dignité et à la vie des personnes.
    La prise de conscience internationale sur les violations des droits humains est lente, mais elle est à l’œuvre. Si nous ne pouvons éviter de tels actes, n’en soyons pas des complices !
    Avec cette proposition de loi de notre collègue Frédérique Dumas, que mon groupe a l’honneur de défendre aujourd’hui, c’est une petite pierre que nous souhaitons apporter à ce grand et nécessaire édifice de prise de conscience. (Applaudissements sur les bancs du groupe LT. – Mmes Annie Chapelier et Constance Le Grip applaudissent également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Aurélien Taché.

    M. Aurélien Taché

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    Il y a quelques semaines, l’Assemblée nationale reconnaissait enfin le génocide des Ouïghours en Chine. Pourtant, alors que nous devions examiner aujourd’hui un second texte de Frédérique Dumas, qui aurait contraint la France à agir pour venir en aide aux populations ouïghoures, il a été retiré de l’ordre du jour de l’Assemblée par le président Richard Ferrand pour ne pas entacher la participation de la France aux Jeux olympiques de Pékin.

    M. Bruno Questel

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    Mais non ! N’importe quoi !

    M. Aurélien Taché

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    C’est une honte et cela montre le manque de réelle volonté de ce gouvernement et de la majorité pour agir réellement contre ces crimes.
    Cependant, nous allons au moins avoir la possibilité de nous prononcer sur la présente proposition de loi, que j’ai cosignée. Je remercie Frédérique Dumas de l’avoir déposée. Elle vise à lutter contre les prélèvements d’organes sans consentement libre et éclairé, qui constituent bien sûr une atteinte gravissime à la dignité humaine et aux droits de l’individu. Nous devons agir en rejoignant l’Espagne, l’Italie, Israël, Taïwan et bien d’autres pays qui sanctionnent plus sévèrement les personnes impliquées dans ces crimes et ainsi éviter que des citoyens français se rendent complices de telles atrocités. Face à ces crimes, nous devons empêcher les établissements de santé publics et privés français d’être amenés à se rendre complices de violations des droits et libertés fondamentales en matière de transplantation d’organes. Des médecins français, en effet, y participent sans le savoir en formant des médecins chinois. Mettons fin à ces complicités pour sauver la vie d’hommes et de femmes dans des pays où pour les dirigeants, la dignité humaine ne compte pas. Nous devons dès à présent devenir un modèle d’action pour nos collègues européens et entraîner l’Union européenne derrière nous. C’est ce que permet cette proposition de loi.
    Certes, les longs délais d’attente pour recevoir un don d’organe sont problématiques. C’est un sujet majeur, mais on doit le traiter autrement qu’en piétinant les trois grands principes de dignité, de solidarité et de liberté qui structurent le cadre juridique français en matière de bioéthique.
    Aux collègues qui souhaitent s’opposer au texte, je pose les questions suivantes. Où est la dignité quand on arrache de force le cœur d’un pauvre pour l’implanter à un riche ? Où est la solidarité quand nous tournons le dos aux peuples opprimés dont nous aidons les bourreaux ? Où est la liberté quand on bafoue le consentement de la personne pour le prélèvement de ses organes ?
    Oui, ce texte cible la Chine en tant qu’État qui organise la marchandisation des organes humains, qui massacre des peuples et en revend les organes !
    Pour conclure, j’appelle à agir rapidement contre ces crimes et à rallumer les Lumières pour défendre les droits et les libertés fondamentales. Votons cette proposition de loi pour ne plus taire ces crimes ! Pour paraphraser Médine dans une de ces chansons, agissons pour sauver Sara et les autres « enfants du destin », « Ouïghours, Kazakhs, Tatars, Kirghizes » de Chine et d’ailleurs !

    M. le président

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    La discussion générale est close.
    La parole est à Mme la rapporteure.

    Mme Frédérique Dumas, rapporteure

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    Je voulais tout d’abord remercier les collègues qui ont soutenu cette proposition de loi. Je reconnais comme eux qu’elle peut avoir des imperfections et j’avais d’ailleurs déposé un amendement censé améliorer les choses au terme des auditions. Mais puisque le choix de la commission a été la suppression de tous les articles, on ne peut même pas améliorer le texte.
    J’ai noté que si M. le secrétaire d’État a reconnu que la France avait de grands principes inscrits, dans le cadre de ses engagements internationaux, au cœur de nos conventions de coopération, il a ajouté que les contrôles n’étaient pas possibles et que les évaluations étaient compliquées – je vous en apporterai des preuves. Cela revient à dire en conclusion : « comme on ne peut pas aller vérifier, on continue comme avant. » Le Gouvernement critique la notion de liberté sans limites quand on débat du passe vaccinal, mais en l’occurrence, il s’agit bien d’une liberté sans limites pour les prélèvements d’organes, puisqu’on ne peut pas aller voir ce qui se passe.
    Je souhaite vraiment répondre, pour une fois de manière politique, aux divers arguments qui m’ont été opposés. C’est un sujet grave et j’ai veillé à ne présenter dans l’exposé des motifs que des constats, fruits d’un travail de longue haleine. Pour Jean François Mbaye, qui m’a dit que je faisais de la politique avec ce texte, je redis que c’est la seule fois où je vais en faire. Les amendements de suppression qu’il a déposés m’amènent à rappeler quelques arguments objectifs.
    Tout d’abord, qui fait de la politique sur un sujet aussi grave que celui dont nous sommes en train de parler ? C’est la Chine, par l’intermédiaire de son ambassadeur en France, Lu Shaye, qui a dit textuellement : « La partie française est en pleine conscience de l’absurdité et de la nocivité de cette résolution [sur le génocide des Ouïghours]. Il lui faut faire preuve de cohérence entre parole et acte [les paroles prononcées pourraient donc être différentes], et prendre des actions concrètes pour sauvegarder le développement sain des relations sino-françaises. » S’agissant des actions concrètes, c’est chose faite : Christophe Castaner a avoué que reconnaître le génocide perpétré contre les Ouïghours n’était pas dénoncer un État ni même le montrer du doigt ; le président de l’Assemblée nationale a retiré de l’ordre du jour ma proposition de résolution sur le risque sérieux de génocide, qui devait être discutée aujourd’hui dans le cadre de la niche du groupe Libertés et territoires, en faisant délibérément une confusion juridique entre objet et sujet, et il a reçu avant-hier – officiellement, bien sûr – l’ambassadeur Lu Shaye, qui reconnaît lui-même appartenir à la catégorie des ambassadeurs relevant de « la diplomatie du loup combattant » – il fallait bien faire ce geste supplémentaire ; le Président de la République avait justifié sa volonté de ne pas boycotter diplomatiquement les Jeux olympiques en expliquant qu’il s’agissait d’une mesure « toute petite et symbolique », puis a décidé, apprend-on, que la ministre déléguée aux sports sera tout de même présente sur place à un moment ou à un autre pendant les JO pour soutenir nos athlètes… On passe donc d’une toute petite mesure à une toute toute petite mesure – nous ne sommes même pas capables de faire comme le Danemark ou les Pays-Bas.
    Derrière ces belles déclarations, la majorité a non seulement retoqué cette semaine un texte invitant fermement le gouvernement français à agir pour venir en aide aux Ouïghours, mais aussi supprimé tout bonnement la totalité des articles de cette proposition de loi. Gabriel Attal a pourtant déclaré le 30 janvier, dans Le Parisien, que devant la lourde ambiguïté du RN, de LR et de Zemmour vis-à-vis de la Russie, il fallait rappeler que notre pays ne pourrait dialoguer droit dans les yeux avec Poutine s’il s’aplatissait devant lui. Aujourd’hui, ce qui est flagrant, c’est bien la lourde ambiguïté de la France vis-à-vis de la Chine, et c’est nous qui nous aplatissons devant le régime chinois. La date d’aujourd’hui, monsieur Mbaye, sera mémorable : je pense que les propos que vous avez tenus resteront dans l’histoire avec un grand H.
    Et s’il est bien un autre acte politique, c’est l’exposé sommaire de ces amendements de suppression qui engageaient jusqu’aux députés de votre groupe ayant cosigné ma proposition de loi – vous rendant compte de cette absurdité, vous avez retiré leurs noms.
    Je vais maintenant arrêter de faire de la politique pour en revenir aux faits lors de la discussion des articles afin de démontrer que si, comme l’a dit M. le secrétaire d’État, nous ne pouvons absolument pas contrôler les faits, cela risque de rendre notre pays indirectement complice du pire au travers de conventions de coopération avec un État qui a institutionnalisé le prélèvement forcé d’organes. (Applaudissements sur les bancs des groupes LT, LR et SOC. – MM. Brahim Hammouche et Aurélien Taché applaudissent également.)

    M. le président

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    La parole est à M. le secrétaire d’État.

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Pour que les choses soient claires pour vous tous, mesdames, messieurs les députés, comme pour les gens qui nous regardent ou qui nous liront, veillons à ne pas mélanger tous les sujets, à ne pas faire d’amalgame, et aussi, monsieur Taché, à ne pas tenir de propos quelque peu tendancieux.
    Il n’y a évidemment – vous-même l’avez rappelé, madame la rapporteure – pas de déni de la part du Gouvernement sur l’existence de trafics d’organes ou de prélèvements forcés dans certains pays. La Chine a été abondamment citée, même si votre proposition de loi est censée avoir une portée plus générale. Nous partageons le même constat. Et je l’affirme haut et fort : qu’on ne commence pas à dévier pour accuser le Gouvernement de méconnaître cette réalité, de pratiquer le déni, voire d’être complice.
    Par contre, là où nous divergeons, madame la rapporteure, c’est que vous semblez sous-estimer le cadre international, en l’espèce la convention de Compostelle, pour renforcer la lutte contre ce type de pratiques. Elle est en cours de ratification, puisque votre assemblée a adopté le projet de loi autorisant cette ratification le 27 janvier et qu’il est inscrit à l’ordre du jour du Sénat le 15 février ; elle devrait donc entrer en application – sans vouloir préjuger du vote des parlementaires – avant la fin de cette législature. Et dès sa ratification, la mise en place d’actions concrètes et efficaces est tout à fait concevable. Au passage, monsieur Coquerel, je vous rappelle que des actions concrètes, et nous en voulons tous en ce domaine, deviennent abstraites et théoriques si elles ne sont pas efficaces.

    Mme Frédérique Dumas, rapporteure

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    Ça veut dire quoi, « efficaces » ?

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Je vais y venir, madame la rapporteure, mais je note déjà que les dispositifs que vous proposez ne le sont pas parce qu’ils seraient inopérants, qu’il s’agisse des mécanismes de contrôle a priori ou, davantage encore, des mécanismes de contrôle a posteriori. On peut très bien envisager, dès la ratification de la convention de Compostelle, de mener des actions concrètes et efficaces pour sensibiliser les établissements de santé français et tous les autres acteurs du secteur pour que des clauses éthiques renforcées, outre celles qui existent déjà et les principes généraux inscrits dans notre législation, soient introduites dans la centaine de conventions-cadres existantes, pas seulement dans la vingtaine en vigueur avec la Chine. Voilà ce que l’on peut faire, et ce sera une action vraiment concrète. Le cadre juridique existant permet, par des conventions-cadres, de prendre des mesures plus contraignantes et donc plus efficaces que le mécanisme que vous proposez dans cette proposition de loi.
    Par ailleurs, monsieur Gomès, je précise que les réserves émises par la France lors de la signature de la convention de Compostelle sont d’ordre technique ou liées à des questions de compétences. Je ne voudrais pas laisser penser qu’elles la videraient de sa substance, car c’est tout le contraire.

    3. Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président

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    Prochaine séance, à quinze heures :
    Suite de la discussion de la proposition de loi visant à garantir le respect éthique du don d’organes par nos partenaires non européens ;
    Discussion de la proposition de loi visant à doter la France des instruments nécessaires pour lutter contre la pollution plastique ;
    Discussion de la proposition de loi portant lutte contre l’exclusion financière et plafonnement des frais bancaires ;
    Discussion de la proposition de résolution, au titre de l’article 34-1 de la Constitution, invitant le Gouvernement à accorder l’asile politique à Julian Assange et à faciliter l’accès au statut de réfugié pour les lanceurs d’alerte étrangers ;
    Discussion de la proposition de loi constitutionnelle relative à la reconnaissance du vote blanc pour l’élection présidentielle.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à douze heures cinquante-cinq.)

    Le directeur des comptes rendus
    Serge Ezdra